Centrafrique : offensive contre le 3R, la milice peule dont Bangui veut se débarrasser
En cinq ans, d'exaction en exaction, la milice d'auto défense peule a étendu son emprise sur le nord-ouest du pays.
Deux militaires de l'armée centrafricaine ont été tués et cinq autres blessés dans une embuscade tendue par des éléments du 3R, dimanche 21 juin. Le convoi participait à l'opération conjointe FACA-Minusca "de restauration de l'autorité de l'Etat" dans le nord-ouest du pays, dans le secteur de Besson. "L'opération vise à mettre fin aux violences commises contre les civils par le 3R, contraindre ce groupe à cesser son implantation dans le nord et l'ouest de cette région de la RCA (République centrafricaine), protéger les populations et rétablir l'autorité de l'Etat", explique le communiqué de la Minusca.
Le 3R (pour Retour, Réclamation et Réhabilitation) est devenu le groupe armé le plus puissant de Centrafrique. Son chef, Abass Sidiki, est un Camerounais opposant au régime de Yaoundé. Traqué par les forces armées camerounaises, il a fini par s'installer en Centrafrique.
Protéger les Peuls
La vocation du mouvement, quand il est apparu fin 2015, était de protéger les éleveurs peuls présents dans le nord-ouest du pays des attaques des anti-balaka. Le 3R dénonce en particulier les déplacements massifs et contraints des Peuls vers les pays voisins : Cameroun, Tchad et République démocratique du Congo. Le mouvement veut également aider au retour des familles peules et de leurs troupeaux dans la région ainsi que le rétablissement de leurs droits.
Mais rapidement, Abass Sidiki et ses hommes ont été accusés de nombreuses exactions. Si bien que les membres du 3R sont devenus la bête noire des troupes de la Minusca, chargées du maintien de la paix. La milice est désormais accusée de mener une guerre ethnique, en chassant les non-peuls de la région. En 2016, Human Rights Watch écrivait : "Les actes de ce groupe armé ont provoqué le déplacement d’au moins 17 000 personnes : 14 000 autour de la ville de Bocaranga et 3 000 à la frontière avec le Cameroun."
Des milliers d'habitants déplacés
Pour le groupe armé, ces opérations sont des ripostes aux attaques des anti-balaka contre les éleveurs peuls. Un double langage qui a conduit à une situation de mi-guerre, mi-paix. Ainsi, avec 13 autres mouvements rebelles, le 3R a même signé en février 2019 un accord de paix avec le gouvernement centrafricain. En retour, Abass Sidiki a obtenu un siège de "conseiller spécial militaire" auprès du Premier ministre.
Pourtant, cela n'a pas empêché les attaques de se poursuivre, notamment dans la région de Paoua (près de la frontière tchadienne), qui ont fait plusieurs dizaines de morts. Le 3R en a rejeté la responsabilité sur des éléments incontrôlés, et pour preuve de sa bonne foi a remis trois responsables des massacres aux autorités. Dans un communiqué, il rappelait "sa ferme volonté à continuer à œuvrer pour la paix".
"Double jeu", accusent les Casques bleus
Mais finalement, les masques sont tombés. Après avoir démissionné de son poste au bout de quatre mois, Abass Sidiki a franchi un nouveau pas en se retirant des négociations sur l'accord de paix. Il demande même à ses hommes de "répliquer avec la dernière force en cas d’attaque" par les forces gouvernementales.
Depuis, les Forces armées de la Centrafrique (FACA) et la Minusca sont passées à l'offensive, bien décidées à se débarrasser des 3R, ou tout du moins à les contraindre à négocier. "Plusieurs de leur check-points ont été démantelés et nous continuerons dans ces zones pour s'assurer que le mouvement disparaît définitivement dans la région", a annoncé le 20 juin Vladimir Monteiro, le porte-parole de la Minusca.
Mais Abass Sidiki n'a visiblement pas envie de se laisser faire. Le 9 juin déjà, des éléments du 3R avaient attaqué une base militaire de l'armée centrafricaine à Bouar et blessé 14 personnes d'une unité mixte composée de soldats réguliers et d'anciens combattants rebelles.
La Minusca parle de "double jeu" de la part du 3R et met en doute sa volonté d'œuvrer pour la paix. Elle rappelle que "les attaques contre les Casques bleus des Nations unies peuvent constituer des crimes de guerre passibles de poursuites judicaires".
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