Rwanda : l'armée possédait des missiles français en 1994
Quinze missiles Mistral, alors interdits à l'exportation, faisaient partie du stock de l'armée rwandaise à la veille du génocide, selon un document de l'ONU révélé par "Libération".
Le mystère est toujours aussi épais autour de l'attentat contre l'avion du président rwandais Juvénal Habyarimana, touché par des tirs de missiles le 6 avril 1994. Libération (article abonnés) révèle, dans son édition du vendredi 1er juin, un document de l'ONU datant de 1994 indiquant que l'armée rwandaise disposait de quinze missiles sol-air Mistral, des armes françaises alors interdites à l'exportation. FTVi revient sur cette affaire qui demeure insoluble.
• L'événement déclencheur
Le 6 avril 1994, le président Habyarimana était tué dans l'explosion de son avion, frappé par deux missiles. Cet événement est considéré comme le déclencheur du génocide qui a coûté la vie à près de 800 000 Rwandais en cent jours, selon l'ONU, essentiellement parmi la minorité tutsi.
• Deux thèses sur les auteurs de l'attentat
L'enquête du juge Bruguière En 2006, les conclusions des investigations menées par le juge antiterroriste français Jean-Louis Bruguière appuient l'avis des partisans de l'ancien régime. Ainsi, selon cette thèse, l'assassinat de Juvénal Habyarimana aurait été perpétré par des soldats du Front patriotique rwandais (FPR) agissant sur ordre de Paul Kagamé, l'actuel président du Rwanda qui dirigeait en 1994 la rébellion tutsi du FPR. L'enquête avait abouti à des mandats d'arrêt contre certains proches du président.
La version du FPR Depuis 2009, le gouvernement rwandais du président Kagamé soutient que les tirs du 6 avril 1994 proviennent du camp de Kanombe, alors aux mains de l'armée loyaliste, sans désigner les auteurs possibles de cette attaque. Cette hypothèse est appuyée par l'expertise balistique commandée par les juges français Marc Trévédic et Nathalie Poux, rendue publique le 10 janvier. Ce serait donc l'armée censée protéger Juvénal Habyarimana qui l'aurait tué. Les responsables pourraient être des extrémistes hutu hostiles aux accords de paix d'Arusha entre le gouvernement et le FPR.
• Pourquoi le flou persiste
Le document de l'ONU dévoilé par Libération dément les déclarations des anciens officiers rwandais inculpés par le Tribunal pénal international pour le Rwanda. Depuis 1994, ils ne cessent d'affirmer qu'aucun des leurs ne pouvait être mêlé à cet attentat car ils ne possédaient pas de missiles.
Selon Libération, la présence d'armes françaises dans les stocks de l'armée rwandaise à la veille du génocide ne confirme ni ne contredit l'enquête en cours du juge Trévidic car "rien ne permet à ce jour d'attester que ce sont ces missiles-là [les Mistral] qui ont servi à l'attentat". Elle n'est qu'un élément qui incite à se poser des questions "sur l'enfumage constant de ce dossier", comme le souligne Bernard Maingain, l'avocat des officiels rwandais mis en examen, cité par le quotidien.
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