Sahel, Algérie, Rwanda...Emmanuel Macron s'exprime sur sa diplomatie vis-à-vis de l'Afrique
Dans une interview au magazine "Jeune Afrique", le président français évoque notamment la lutte contre le terrorisme au Sahel, le passé colonial de la France, mais aussi ses relations avec les chefs d'Etat algérien, guinéen et ivoirien.
De l'Algérie au Rwanda en passant par le Sahel, Emmanuel Macron a défendu sa diplomatie vis-à-vis de l'Afrique dans un entretien, publié vendredi 20 novembre, par Jeune Afrique (article pour les abonnés). Dans cette interview, le président français donne notamment rendez-vous aux Africains en juillet 2021, pour le prochain sommet France-Afrique, à Montpellier (Hérault).
Au Sahel, "on ne discute pas" avec "les terroristes"
Concernant le Sahel, le chef de l'Etat indique qu'il y aura, "dans les prochains mois des décisions à prendre pour faire évoluer Barkhane", la force française composée de plus de 5 000 hommes. Il martèle l'opposition complète de Paris à toute négociation avec les jihadistes, alors que ce sujet fait débat dans la région, notamment au Mali. "Avec les terroristes, on ne discute pas. On combat", résume-t-il.
Le président appelle à "s'inscrire dans la feuille de route claire que sont les accords d'Alger", en référence à l'accord de paix conclu en 2015 entre le pouvoir malien, les groupes armés pro-Bamako et l'ex-rébellion à dominante touareg du nord du Mali. "Ceux-ci prévoient un dialogue avec différents groupes politiques et autonomistes. Mais cela ne veut pas dire qu'il faut dialoguer avec des groupes terroristes, qui continuent à tuer des civils et des soldats, y compris nos soldats", a-t-il ajouté.
"Regarder l'histoire" de la colonisation "en face"
"Je pense qu'entre la France et l'Afrique, ce doit être une histoire d'amour", affirme le président français, en plaidant pour l'établissement d'"une relation équitable et d'un véritable partenariat". Pour cela, "nous ne devons pas être prisonniers de notre passé". "Il nous faut regarder cette période de l'histoire en face, de manière décomplexée mais avec un souci de vérité", dit Emmanuel Macron, au sujet de la colonisation. "Ne cachons rien et avançons", ajoute-t-il.
Le chef de l'Etat français estime que "des dirigeants africains et des puissances étrangères, comme la Russie ou la Turquie, jouent sur le ressentiment post-colonial" en Afrique francophone, où des manifestations, d'ampleur limitée, ont récemment été organisées contre la republication des caricatures de Mahomet dans la presse.
En Algérie, Emmanuel Macron veut "aider" le président Abdelmadjid Tebboune
L'Algérie est une autre priorité pour Emmanuel Macron, qui avance vouloir faire "tout ce qui est en [son] possible" pour "aider" le président Abdelmadjid Tebboune pour que "réussisse" la transition lancée en 2019 par le soulèvement populaire du "Hirak". Emmanuel Macron appelle à la patience, estimant qu'"on ne change pas un pays, des institutions et des structures de pouvoir en quelques mois".
Depuis fin octobre, le chef de l'Etat est hospitalisé en Allemagne, pour une infection au Covid-19. Une absence qui a réveillé le spectre, pour beaucoup d'Algériens et dans les médias, de la vacance du pouvoir lors des hospitalisations à l'étranger d'Abdelaziz Bouteflika, après son grave accident vasculaire cérébral, en 2013.
Interrogé sur son attitude vis-à-vis du "défi mémoriel" posé par la guerre d'Algérie, Emmanuel Macron affirme que l'important est de "mener un travail historique et réconcilier les mémoires" plutôt que de "s'excuser". "Au fond, nous nous sommes enfermés dans une espèce de balancier entre deux postures : l'excuse et la repentance d'une part, le déni et la fierté de l'autre. Moi, j'ai envie d'être dans la vérité et la réconciliation, et le président Tebboune a exprimé sa volonté de faire de même", ajoute-t-il.
Vers une visite au Rwanda en 2021
Le président français a par ailleurs salué son homologue du Rwanda, Paul Kagame, qui a selon lui "beaucoup pacifié le discours politique rwandais à l'égard de la France ces dernières années". Il indique espérer se rendre en 2021 dans ce pays pour concrétiser le réchauffement des relations après des décennies de tensions liées au rôle de la France dans le génocide de 1994.
En Guinée, "la situation est grave"
Enfin, le magazine panafricain a interrogé Emmanuel Macron sur la réélection, en octobre, du président guinéen Alpha Condé, 82 ans. Sa décision de briguer un troisième mandat avait donné lieu à de violentes manifestations qui ont fait plusieurs dizaines de morts. "La situation est grave en Guinée", selon le président français, qui regrette que le président Alpha Condé, réélu en octobre, ait "organisé un référendum et un changement de la Constitution uniquement pour pouvoir garder le pouvoir".
Emmanuel Macron s'est en revanche montré compréhensif au sujet de la réélection en octobre, également controversée, d'Alassane Ouattara, 78 ans, à la tête de la Côte d'Ivoire. Il "s'est présenté par devoir" à la présidentielle alors qu'il ne le "voulait pas". Des violences ont éclaté dans le cadre l'élection présidentielle, faisant au moins 85 morts et près 500 blessés depuis août. "Il appartiendra ensuite au président Ouattara de définir les termes d'une vie politique pacifiée", selon Emmanuel Macron.
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