Coronavirus au Sénégal : le secteur privé s'inquiète après l'interdiction des licenciements pendant la pandémie
Tout licenciement autre que celui motivé par une faute lourde du travailleur est désormais interdit. Certains dénoncent une initiative gouvernementale "digne des économies dirigistes".
Des dizaines de milliers d'emplois en danger. C'est l'une des conséquences tant redoutées au Sénégal pour cause de pandémie de coronavirus. Comment préserver l'emploi, surtout dans le secteur privé fragilisé ? Le président sénégalais Macky Sall a pris les devants pour dissuader ceux qui "prendraient prétexte" de la crise sanitaire pour se débarrasser de leurs employés. Il a interdit par ordonnance tout licenciement, sauf en cas de faute grave.
La crainte "d'un cycle de licenciement massif"
Selon le ministre sénégalais du Travail, Samba Sy, une enquête menée par les inspections du travail et de la Sécurité sociale indique une baisse significative de l'activité économique dans des secteurs tels que l'hôtellerie, le commerce, le tourisme, la restauration et les transports.
La crise sanitaire commence à générer des réductions ou des pertes de salaires pour des milliers de travailleurs. Si l'on n'y prend garde, tout cela peut déboucher sur un cycle de licenciements massifs et menacer la stabilité sociale
Samba Sy, ministre du Travailà la presse sénégalaise
Pas question donc de licenciement. Pas question non plus de rémunérer un travailleur en chômage technique en dessous du salaire minimum requis. L'employeur est tenu de le payer à hauteur de 70% de son salaire moyen net dès trois mois d'activité. La mesure a suscité l'émoi dans le secteur privé du Sénégal.
"L'Etat confine le patronat"
Les employeurs du secteur privé dénonçent une mesure aux conséquences graves. "L'Etat confine le Patronat", commente le journal Sud Quotidien. Un titre qui résume l'état d'esprit qui règne dans le milieu du patronat sénégalais. Les patrons jugent insuffisantes les mesures annoncées par le gouvernement pour accompagner cette nouvelle. Elles portent notamment sur des remises et des suspensions d'impôts. Pour le président de la commission sociale du Conseil national du patronat (CNP), les entreprises ne seront pas en mesure d'honorer les salaires imposés par le gouvernement.
En réalité, il s'agit d'un arrêt tout simplement des activités. Il n'y a pas de rentrée d'argent. Ce sont ces recettes qui aident à payer les salaires. C'est le désarroi total
Charles Faye du Conseil national du patronat du Sénégalà RFI
Afin d'éviter le chômage technique, les employeurs sont invités à rechercher avec les délégués du personnel "des solutions alternatives", telles que la réduction des heures de travail, le travail par roulement, l'anticipation des congés payés ou le travail à temps partiel. Les syndicats sont bien sûr ravis. Ils saluent une mesure humanitaire destinée à protéger les travailleurs contre l'arbitraire.
"Les patrons sont obnubilés par leur intérêt personnel. Ils ont voulu nous sacrifier sans se soucier des pères de familles qui ont travaillé avec eux pendant des années. On a peur qu'il y ait des réticences, mais nous n'allons pas accepter", avertit Pape Berenger, président de l'Association des professionnels de l'hôtellerie et de la restauration, dans les colonnes du journal Sud Quotidien.
"Une mesure digne des économies dirigistes"
Le site du quotidien sénégalais Tract pointe une initiative gouvernementale "digne des économies dirigistes" qui risque de remettre en cause la viabilité économique des entreprises du pays. "Il est à craindre, hélas, que ces mesures contraignent beaucoup de petites et moyennes entreprises (PME) à mettre la clé sous le paillasson", commente le journal en ligne.
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