Il y a 40 ans, la redoutable variole était officiellement éradiquée
L’action de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a permis de mettre fin aux ravages causés pendant des siècles par cette très mortelle maladie d’origine virale, notamment en Afrique.
A l’heure du coronavirus, la date du 8 mai 1980, jour où fut proclamée l’éradication de la variole de la surface de la terre, rappelle l’intérêt des campagnes de vaccination généralisée et d’une "stratégie de surveillance et d'endiguement" pour combattre un fléau mortel. Depuis des millénaires, "l'humanité a subi régulièrement des épidémies de peste, de variole, de choléra, dont l'inconscient collectif conserve le souvenir", écrit un rapport du Sénat français de 2012. Au cours du seul XXe siècle, la variole aurait tué 300 millions de personnes dans le monde. Dans la première moitié du siècle, elle était encore endémique dans la plus grande partie de l’Afrique (mais aussi, de l’Asie et de l’Amérique latine), selon le rapport final de la Commission mondiale pour la certification de l’éradication de la variole.
Qu’est-ce que la variole ?
La variole est une affection contagieuse aiguë, causée par le virus variolique. Elle se transmet d’un individu à l’autre par des particules en suspension ou des gouttelettes provenant des personnes infectées qui présentent les symptômes de la maladie
Définition de l'OMS
Autant d’éléments qui évoquent aujourd'hui la transmission du Covid-19... L’étymologie du mot "variole" (du latin "varus" signifiant "pustule") donne une idée crue de ce que peut faire subir le virus variolique : une personne atteinte présente une infection cutanée, qui peut aller jusqu’à des pustules. La maladie est gravissime : avant l’arrivée d’un vaccin à la fin du XVIIIe siècle, une épidémie entraînait la disparition de trois personnes infectées sur dix !
D’où vient la variole et comment s’est-elle répandue ?
Son origine reste inconnue. Selon certains scientifiques, le virus aurait pu émerger au Néolithique en dérivant de maladies infectieuses d’animaux transmises à l’homme. Pour l’OMS, elle "est probablement apparue dans l’une des sociétés agricoles de l’Afrique du Nord-Est, de la Chine ou de la vallée de l’Indus un peu après 10 000" avant notre ère, estime le rapport final sur l'éradication déjà cité. Des traces d’une éruption cutanée similaire à celle de la variole ont été trouvées sur des momies égyptiennes datant du IIIe siècle avant J.-C.
Par la suite, selon le site des CDC (agence fédérale américaine de santé publique), la première description écrite d'une maladie ressemblant à la variole a été faite en Chine au IVe siècle de notre ère. L'épidémie serait arrivée en Afrique du Nord et en Europe avec l'expansion arabe. Au XVe siècle, la colonisation portugaise l’aurait introduite en Afrique de l’Ouest avant que les Européens et la traite esclavagiste ne l’importent aux Amériques (dans la partie nord du continent, elle aurait entraîné la mort de 80 à 95% de la population native).
Au XXe siècle, le virus était encore présent dans presque toute l’Afrique. Les derniers cas ont été signalés dans les années 1976-1977 dans la partie Est du continent, notamment au Kenya et en Ethiopie, le tout dernier cas endémique connu l’étant en Somalie. Pour la petite histoire, les derniers échantillons du virus sont conservés par des laboratoires américain (près d’Atlanta) et russe (à Novossibirsk).
Quel vaccin ?
Le vaccin a été utilisé pour la première fois en 1796 par le médecin britannique Edouard Jenner. Celui-ci prélève alors "du pus provenant d'une maladie apparentée (à la variole, NDLR) mais bénigne, la vaccine des vaches", rapporte le site herodote.net. "Très tôt, dès le Moyen Age, on s'est aperçu que les personnes ayant survécu à la variole étaient définitivement immunisées contre le fléau. Le savant andalou Averroès (Ibn Rushd, NDLR) y fait allusion (au XIIe siècle, NDLR) et des praticiens ont l'idée d'inoculer la maladie à leurs patients", non sans risque… Aujourd’hui encore, l’OMS avertit que le vaccin variolique peut présenter "quelques risques". Dans le passé, "certaines rares personnes ont eu des réactions très graves" : encéphalite vaccinale...
Au XXe siècle, on savait donc, depuis longtemps, comment combattre la maladie. A noter que sur le continent africain, la vaccination a aussi été utilisée par les colons européens comme moyen de conforter leur pouvoir. "Les campagnes de vaccination ont été l'un des premiers et l’un des plus vastes programmes de santé publique" menés par les Européens en Afrique, rapporte l’historien américain William H. Schneider (Indiana University). Des programmes dont ils se vantaient pour prouver les "avantages de la domination coloniale". L’universitaire cite ainsi un médecin militaire français pour qui la variole était "un agent de propagande appréciable"...
Quelle efficacité pour l'action de l'OMS ?
En 1948, lors de la création de l’OMS, la variole est désignée comme une maladie à combattre. C'est seulement en 1958 que l'organisation se prononce pour son éradication au niveau mondial. Elle estime alors que l’on pourrait parvenir à cet objectif dans une région endémique si "l’on vaccinait ou revaccinait 80% de la population dans une période de 4 à 5 ans". En 1967, le virus était encore endémique dans 33 pays (représentant une population de 1,2 milliard d’habitants) et il aurait alors tué deux millions de personnes, selon les données de l’institution onusienne.
"Avant 1967, la stratégie d’éradication de la variole reposait sur la vaccination de masse. Une stratégie efficace dans certains pays, mais qui a échoué dans des régions à forte densité de population", explique l’Organisation mondiale de la santé. Celle-ci décide alors de s’adapter en menant des actions de prévention ainsi que des campagnes d’information pour faire connaître la maladie et les actions de lutte. En terme de prévention, il s’agit de rechercher les personnes en contact avec les individus infectés, de les traiter pour éviter la transmission à d’autres. Et ainsi d’endiguer toute flambée.
Pour la première fois dans l’histoire, une maladie (a été) vaincue par l’homme
Le site de l'INSERM
Aujourd’hui, en dehors des anti-vaccins, la stratégie de l’OMS contre la variole n’est pas remise en cause. "C’est clairement la vaccination qui a permis d’éradiquer la variole. L’OMS (…) en mérite en effet le crédit", a ainsi expliqué au journal 20 minutes Philippe Sansonetti, professeur au Collège de France. Les avancées actuelles "relèvent aussi des deux siècles de lutte contre la variole. (…) Mais l’OMS a bien porté le coup de grâce contre cette maladie", tempère de son côté Anne-Marie Moulin, directrice de recherche émérite au CNRS, citée elle aussi par 20 minutes.
Le virus peut-il évoluer ?
On trouve d’autres formes de variole chez les animaux. Notamment la variole du singe (monkeypox en anglais), en général transmise par des rongeurs, "encore présente sporadiquement dans des régions d'Afrique centrale et occidentale, près des forêts tropicales humides", dixit l’OMS. Elle peut se transmettre d’humain à humain. "La présentation clinique est semblable à celle observée chez les patients atteints autrefois de la variole, mais moins grave. (…) De manière générale, le taux de létalité dans les épidémies de variole du singe est de 1 à 10%, mais avec des soins appropriés, la plupart des patients se rétablissent."
Autre forme de variole, que n’évoque pas l’OMS sur son site : la variole des camélidés ou variole cameline (camelpox en anglais), présente dans toute la zone d’élevage des chameaux et autres dromadaires, donc notamment en Afrique. "Aucune infection humaine n'a été décrite", précise le site ScienceDirect. "Le virus de la variole des camélidés est étroitement lié au virus de la variole. Ce qui pose évidemment la question de savoir quels changements génétiques pourraient (lui) permettre d’être à l’origine d’une maladie humaine similaire à la variole" telle qu’on la connaît depuis des millénaires...
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