Inhumation au temps du Covid-19 : le difficile retour des corps au pays natal
Des milliers d’Africains sont morts du Covid-19 loin de leurs pays d’origine. Si beaucoup souhaitaient être enterrés sur la terre de leurs aïeux, respecter leur volonté s'avère difficile.
Le Maroc, la Tunisie ou encore le Sénégal ont suspendu, voire interdit, les rapatriements des corps de leurs ressortissants morts du Covid-19 à l’étranger. Déjà en temps ordinaire les procédures sont extrêmement strictes. Mais aujourd’hui, avec l'épidémie et l’arrêt des vols internationaux, elles sont quasi-impossibles. De nombreuses familles endeuillées sont plongées dans une double détresse : outre la mort en elle-même de leur proche, elles se retrouvent dans l'incapacité de lui faire l'adieu qu'elles souhaiteraient. L'impossible rapatriements des défunts dans leur pays d'origine se conjugue à l’obligation d’une inhumation rapide dans la religion musulmane.
C'est un vrai problème car, à ce jour, il y a plus d’Africains qui sont morts en Europe ou aux Etats Unis que sur le continent lui-même. Pour le Maroc, 387 ressortissants sont décédés en Europe contre 174 dans le royaume chérifien. Habituellement, 70% des familles marocaines rapatrient leur morts. De même, plusieurs dizaines de Sénégalais ont été emportés par le Covid-19 aux Etats-Unis, en Italie, au Brésil. Rien que pour la France, 45 sont morts contre 14 officiellement à ce jour au Sénégal.
Certificat de non-contagion
En temps normal, il existe déjà des procédures administratives longues et fastidieuses, sanitaires, de transit aérien, qui peuvent durer plusieurs jours, voire plusieurs semaines. Pas de rapatriement possible, par exemple, sans "certificat de non-contagion".
Avec l’arrêt des vols internationaux, c’est devenu encore plus compliqué, sauf pour la Turquie et l’Algérie qui ont négocié l’organisation d’avions-cargos pour le rapatriement des cercueils. Ce que réclament d’autres citoyens africains. En France, un collectif pour le rapatriement des corps des Sénégalais morts du Covid-19 se bat pour que Dakar lève l’interdiction du rapatriement des corps. "Pourquoi interdit-on aux Sénégalais de la diaspora un rapatriement de corps ? Quand on sait que les défunts ici en France suivent une procédure stricte de préparation des corps pour éviter toute forme de contagion", demande le docteur El Hadji Alioune Badara Diouf, médecin-gériatre à Colmar, en Alsace.
Dans l'Hexagone, parmi les principales mesures prisent par le Haut conseil de la santé publique (HSCP) figure l'allongement de 6 à 21 jours – ou plus avec l'accord d'un préfet –, du délai pour procéder à l'inhumation ou la crémation d'un défunt. Pour les familles qui souhaiteraient un délai supplémentaire, le texte prévoit que le dépôt des corps, placés dans un cercueil hermétique, pourra se faire pendant six mois dans un "dispositif d'accueil temporaire". Mais à 40 euros par jour, cela finit par avoir un coût important non-négligeable. Néanmoins, cela "permet d'offrir aux familles une possibilité d'attendre le retour d'une situation plus favorable pour organiser des obsèques conformes aux souhaits du défunt", note le ministère français de l'Intérieur.
Eliminer tout risque de propagation
"On veut juste un laisser-passer pour nos morts. Il n’y a aucun danger, les corps sont mis dans un coffret d’aluminium hermétique, puis dans un cercueil en bois fermé. Il n’y a pas de risque de transmission", affirme le Sénégalais Nicolas Mendy qui vient de perdre son père, retraité de Renault, victime du coronavirus à l'hôpital Cochin à Paris.
Le Sénégal n’a pas encore répondu officiellement à cette demande, mais selon son ministre des Affaires étrangères, Amadou Bâ, cette interdiction formelle ne concerne que les Sénégalais morts du Covid.
Parmi les conditions extrêmement strictes, il y a celles qui imposent que les cercueils doivent être scellés avant le départ et toute réouverture interdite une fois la dépouille arrivée à destination. Car la préoccupation majeure reste l'élimination de tout risque de propagation. Avec la réouverture annoncée des espaces aériens et des vols internationaux, la situation pourrait évoluer.
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