Kenya : la communauté Sengwer marche sur Nairobi pour la défense de ses "terres ancestrales"
Des membres de cette communauté de l’ouest du Kenya manifestent contre leur expulsion de leurs forêts et pour la reconnaissance de leur tribu, selon le site VOA.
Des centaines de membres de la communauté Sengwer, peuple autochtone de l’ouest du Kenya vivant dans la forêt d’Embobut, ont marché deux jours durant à travers leur territoire dans la vallée du Rift pour rejoindre la capitale, dans l’espoir de rencontrer le président Uhuru Kenyatta. C’est revêtus de leurs costumes traditionnels et en chantant, que ces chasseurs-cueilleurs sont entrés le 7 octobre 2019 dans Nairobi, où ils ont présenté une pétition au gouvernement réclamant leur reconnaissance comme tribu et le retour sur leur terre.
"Etre reconnus comme propriétaires de notre terre ancestrale"
Agé de 85 ans, Moses Leleu a pris part à la marche. "En tant que communauté, nous ne sommes pas encore reconnus comme une tribu kényane. C'est l'une des principales raisons pour lesquelles nous sommes ici", explique-t-il à Voice of America (VOA). "La seconde est que nous avons été expulsés à plusieurs reprises de notre terre ancestrale. Nous vivons actuellement dans une petite partie de ces terres et faisons toujours face à une expulsion imminente. Nous voulons retourner dans les régions d’où nous avons été expulsés et être reconnus comme propriétaires de notre terre ancestrale", a-t-il ajouté.
Sa communauté est en effet confrontée à une menace d’expulsion par le gouvernement, qui a en charge la gestion des forêts et des zones de captage d’eau dans le pays. Et la forêt d’Embobut est l’une des cinq zones de captage les plus importantes du Kenya.
"Nous sommes une communauté marginalisée et oubliée dans notre pays depuis le colonialisme. Notre pétition appelle à la levée des restrictions, l'arrêt des incendies des maisons, des arrestations et des expulsions forcées afin que le peuple Sengwer puisse vivre librement et en paix sur ses terres ancestrales dans la forêt d'Embobut", a indiqué de son côté à Capital FM Yator Kiptum, le secrétaire général du conseil des anciens de Sengwer.
Ce sont des Kényans et ils ont des droits comme les autres
Selon Amnesty international, lors des expulsions de 2017, la police a incendié plus de 300 maisons. Un membre de la communauté a été tué et plusieurs centaines de personnes ont été blessées.
Pour Irungu Houghton, le directeur d’Amnesty Kenya qui a pris part à la marche, les économistes n’accordent ni valeur économique, ni importance politique à cette communauté, pourtant ce sont des Kényans et ils ont des droits comme les autres. "En plus, ce sont des peuples autochtones, ce qui signifie qu'ils ont une responsabilité envers la Terre très différente de nous. Leur terre est ancestrale. Depuis des siècles, ils s'occupent des forêts dans des endroits comme Embobut à Elgeyo Marakwet", a-t-il déclaré à VOA.
Contestant cette version des choses, un haut responsable du Kenya Forest Service estime pour sa part qu’Embobut est "une forêt classée par le gouvernement et non pas une terre ancestrale". Pour lui, les Sengwer ne sont pas une tribu mais "un clan au sein d’une communauté qui, elle, ne revendique pas la forêt".
Pour le gouvernement, ce sont des "envahisseurs" responsables de la déforestation
La forêt d’Embobut n’est d’ailleurs pas la seule cause de conflit entre le peuple Sengwer et le pouvoir. En août 2019, le gouvernement a annoncé son intention d'expulser des milliers de personnes considérées comme des "envahisseurs" dans certaines parties de la forêt kényane, pour sauver l'écosystème de la forêt de Mau, menacée par une forte déforestation.
Dans un rapport publié en septembre 2019, Human Rights Watch a demandé au gouvernement de mettre fin aux "expulsions abusives" et à "l'usage excessif de la force" dans la forêt de Mau.
Le ministère de l'Environnement et des Forêts du Kenya a mis en place un groupe de travail à la fin de l'année dernière afin de conseiller le gouvernement sur la façon de résoudre ces différends. Le groupe de travail doit présenter ses conclusions au ministère au mois d’octobre.
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