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Le Burundi veut enquêter sur la colonisation européenne et ses conséquences
Le 29 octobre 2018, le parlement burundais approuvait un projet de loi qui fait remonter la période d'enquête de la Commission vérité et réconciliation (CVR) jusqu'à la Conférence de Berlin en 1885. Avec pour objectif de déterminer le rôle de la colonisation sur la situation dans le pays. Initialement, il s’agissait de remonter seulement jusqu’en 1962.
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En 2014, la CVR avait été créée pour établir la vérité sur les massacres interethniques qui ont frappé le Burundi depuis son indépendance en 1962 jusqu'au 4 décembre 2008, date supposée de la fin de l’état de guerre dans le pays.
Le projet de loi adopté par le Parlement autorise désormais la Commission à remonter jusqu’au 26 février 1885, date de la fin de la Conférence de Berlin qui marque le partage de l’Afrique par les Européens. Une répartition sous couvert de «nobles objectifs comme le désenclavement du continent africain ou l'éradication de l'esclavage et de la traite musulmane», rapporte le site herodote.net. La conférence reconnaît aussi «à Léopold II, roi des Belges, la possession à titre privé d'un vaste territoire au cœur de l'Afrique noire, qui sera baptisé "Etat indépendant du Congo"».
Pour Aimée-Laurentine Kanyana, la ministre de la Justice qui a présenté ce projet devant le Sénat, «le constat est que l'origine des violences cycliques à caractère politique qui ont endeuillé le Burundi, remonte au temps de la colonisation».
Sous la coupe allemande, puis belge
L'objectif parlementaire est d'«établir les responsabilités de l'Allemagne (qui a colonisé le Burundi à la fin du 19e siècle), et surtout de la Belgique (qui a obtenu de la part de la Société des Nations un mandat de tutelle sur le Burundi en 1921, après la fin de la Première Guerre mondiale) dans la création et l'exacerbation des problèmes ethniques et des violences» depuis lors, a expliqué à l'AFP un cadre du Sénat, sous couvert d'anonymat.
La colonisation allemande, qui n’a duré qu’une trentaine d’années, a été marquée par de fréquents combats. Après la Première guerre mondiale, les Belges (arrivés dès 1916 pour se battre contre l’Allemagne) ont obtenu un mandat sur le territoire du Ruanda-Urundi, qui réunit Rwanda et Burundi. Territoire qui sera rattaché au Congo belge, colonie «propriété privée» du roi Léopold II. Lequel «s'appropria le Congo pour le saigner à blanc», rapporte Jeune Afrique.
Au Burundi, la colonisation belge, «très dure au début, fait jouer un rôle essentiel aux missions catholiques, qui se sont implantées dans l'ensemble du pays», rapporte le site du Larousse. «L'organisation traditionnelle, maintenue, est affaiblie et surtout dénaturée. Les Belges favorisent l'aristocratie tutsie, dont on réinvente l'histoire en lui attribuant une origine nilotique (vallée du Nil, NDLR) plus que discutable», poursuit le site.
Ethnicisation
Le Burundi obtient son indépendance le 1er juillet 1962. Le pays n'était «guère prêt, en raison du faible nombre des élites universitaires et de la situation originale de Bujumbura (la capitale), une ville plus cosmopolite que burundaise», selon le site de l’encyclopédie Universalis.
«De 1962 à 1965, la politique va peu à peu s’ethniciser», poursuit cette source. Ce qui élargit le fossé entre les communautés hutue et tutsie. A partir de 1972, le Burundi connaît une série de massacres interethniques et de coups d'Etat, prémices à une longue guerre civile (1993-2006) qui a fait plus de 300.000 morts.
Les relations avec la Belgique, en particulier, sont délétères depuis le début de la crise provoquée par l'annonce, en avril 2015 par le président Pierre Nkurunziza, de sa candidature à un troisième mandat controversé et sa réélection en juillet de la même année.
Les nouvelles violences qui ont accompagné cette crise ont fait au moins 1200 morts et déplacé plus de 400.000 personnes entre avril 2015 et mai 2017, d'après les estimations de la Cour pénale internationale (CPI), qui a ouvert une enquête.
Le projet de loi étend également de quatre ans le mandat de la CVR, qui devait prendre fin en décembre 2018. Celle-ci a pour tâche d'établir les responsabilités personnelles et collectives dans les massacres, identifier et cartographier les fosses communes, proposer un programme de réparations et promouvoir le pardon et la réconciliation.
Mais, accusée par l'opposition et la société civile d'être sous le contrôle du CNDD-FDD, le parti au pouvoir, elle peine à remplir sa mission en raison de son manque de moyens.
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