#Mansinach (Nous n'avons pas oublié) : les Algériens se souviennent de la décennie noire sur les réseaux sociaux
Très longtemps tus pour des raisons politiques ou personnelles, les mots se sont (enfin) posés sur les traumatismes des années 90.
Décennie noire ou rouge sang ? La guerre civile a fait, selon plusieurs sources, environ 200 000 morts en Algérie. Les attentats, ciblés ou "aveugles", n'ont épargné personne. A la mémoire, les autorités algériennes avaient imposé l'oubli au nom de la "concorde civile". La soupape a fini par exploser, car comment pardonner sans justice. Le hashtag (mot-dièse) #Mansinach (Nous n'avons pas oublié) a permis aux Algériens de se souvenir de cette période traumatique, avec émotion et humour...
En cette journée contre l’oublie des victimes du terrorisme, je souhaite lancer l’hashtag #Mansinach pour que chacun de nous raconte ses situations personnelles vécues pour que nul n’oublie et pour que ceux, qui ne les ont pas vécues en prennent connaissance.
— L.A (@ChqufLkhra) March 22, 2021
Citez @AMemoires pic.twitter.com/0JQDWAnpHi
Et la parole s'est libérée. Des souvenirs poignants, émouvants ont afflué. L'écrivaine Kaouther Adimi narre, avec une verve littéraire inspirée, un épisode qui l'avait marquée lors d'un faux barrage (un point de contrôle routier tenu par des terroristes en lieu et place des forces de l'ordre). Un thread (fil) à lire dans son intégralité.
Été 95. On prend la route de l’est dans la vieille voiture. Les trois enfants à l’arrière, le bébé sur les genoux de ma mère devant (On pouvait faire ça à l’époque). C’est l’été et on en a pour 7 ou 8h de route. C’est 1995 et tous ceux qui étaient en Algérie savent. #Mansinach
— Kaouther Adimi كوثر عظيمي (@kaoutheradimi) March 22, 2021
Le journaliste Akram Kharief, spécialisé dans l'information sécuritaire et militaire, évoque ses souvenirs personnels et pose aussi les bases de cette sommation à l'oubli. Posts à lire dans leur intégralité, aussi.
Vous devez prendre conscience du fait que l'#Algérie est un pays sous PTSD et que nous n'avons jamais exorcisé nos terreurs et nos démons, on nous a obligé à oublier alors que nous cherchions à comprendre à recevoir des excuses et peut-être pardonner #Mansinach
— Secretdifa3 Akram Kharief (@secretdifa3) March 22, 2021
Les petites histoires rejoignent la grande, avec une majuscule. Dire l'indicible, partager l'intime et découvrir qu'on n'est pas seul dans cet océan de douleurs muettes. Muettes, elles l'ont été. Tues, serait plus juste. Le temps du deuil, de l'acceptation. Le temps de dire.
J'etais interne en medecine legale
— Nadia BENAMARA #JamaisSansMonMasque (@benamara_n) March 22, 2021
Il y'avait un couple allongé , le garçon décapité
la fille éventrée ...
La tête du garçon enfouie dans le ventre de sa copine..
Massacrés car ils étaient ensemble,juste assis au bord d'une plage...#sorry #Mansinach https://t.co/bHOJ2SDHMo
Ma mère en rentrant du travail ,faux barrage,le chauffeur abattu devant elle, au moment où elle chahed, arme sur la tempe il y'a une fusillade...intervention de l'armée après ça, elle n'est pas sortie de sa chambre pdt plus d'un mois, à l'époque on ne comprenait pas.. #Mansinach
— Rymouchka (@rymouchkette) March 22, 2021
Le silence s'est tranformé en torrent de témoignages. Dire, dire, dire... Des mots sur les maux, des verbes pour conjurer l'oubli, des phrases pour exprimer ce qui a été longtemps ostracisé. Déchirer le voile...
Lancé hier pour ne pas oublier, le # déborde. D'une rivière qui quitte son lit de silence, on ne peut arrêter le flot. Que la parole porte #Mansinach
— Valé ☆ (@vale_cmg) March 23, 2021
- Un jour chez ma tante à Belouizdad, les voisins raconté qu’ils ont perdu tous les membres de leur famille à Rais, et le seul survivant était le petit Islam, il avait un an et avait perdu connaissance lors du carnage, les terroristes pensaient qu’il était mort. #Mansinach
— Hamdi Sellami (@hamdi_sellami) March 23, 2021
La prof de français de mon frère aîné recevait des menaces de mort si elle ne porterait pas le voile, un jour un homme se présente à l’école comme son cousin, il arrive jusqu’à sa classe l’appelle, elle sort, il s’assure que c’est elle et l’execute devant ses élèves #Mansinach
— Hamitou Abdelraouf (@Abderaouf1994) March 23, 2021
#Mansinach l’Algérie brise le silence .. elle a trop longtemps porté son deuil .. il était temps qu’elle se libère ..
— Mina@@@ (@MinaBouarour) March 23, 2021
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