Mauritanie : dix jeunes gens en prison après une soirée festive présentée comme un "mariage gay"
Le parquet de Nouakchott a placé en détention provisoire dix jeunes Mauritaniens, inculpés "d'actes contraires à la morale", après la diffusion d'images d'une cérémonie présentée comme le premier "mariage gay" de cette république islamique d'Afrique du nord-ouest interdisant les comportements homosexuels.
Ils avaient choisi le soir du samedi 11 janvier 2020 pour fêter l'anniversaire de l'un d'entre eux. Homosexuels dans une république islamique qui les poursuit, les jeunes gens sont arrivés maquillés et en talons hauts aux réjouissances organisées dans un appartement de Nouakchott, la capitale mauritanienne. Là, comme le montre la vidéo YouTube ci-dessous, ils se sont lancés dans des "performances" à tour de rôle, avec toutes sortes de mouvements de danse frénétiques que la morale locale réprouve. Ainsi le sabar, qui tient son nom d'un instrument de musique à percussion, tout comme le leumbeul, sorte de twerk endiablé, sont jugés bien trop indécents. Au Mali, ces danses sont également interdites depuis 2001.
"Des faits interdits par Allah"
Ces images vidéo ont abondamment circulé sur les réseaux sociaux, dans la presse locale et même sur les sites des journaux du Sénégal voisin, qui ont évoqué le premier "mariage gay" de Mauritanie.
Une semaine plus tard, dix des participants à cette soirée ont été appréhendés. "Le parquet a envoyé (lundi soir) les jeunes délinquants homosexuels en prison en attendant leur jugement pour actes contraires à la morale, commission de faits interdits par Allah et publication d'une cérémonie de débauche", a expliqué une source judiciaire à l'AFP. La date du procès n'est pas connue.
Une enquête a permis de conclure que cette fête était en fait "la célébration de l'anniversaire d'un homosexuel à laquelle il n'avait invité que ses semblables", a expliqué à la télévision un commissaire de police, Mohamed Ould Nejib. Arrêtés "pour les besoins de l'enquête", ils sont tous de nationalité mauritanienne et employés comme "travailleurs domestiques" à Nouakchott.
Aucune peine de mort prononcée contre un suspect homosexuel
L'article 308 du code pénal, basé sur la charia, interdit les comportements homosexuels entre musulmans majeurs, qualifiés d'"actes contre-nature", et les punit de mort s'il s'agit de deux hommes. Mais on "ne connaît aucun cas de personne emprisonnée ou condamnée à mort en 2018 pour comportement homosexuel", selon l'ONG Human Rights Watch.
La société mauritanienne tolère dans certaines circonstances la présence de personnes gay ou lesbiennes, qui sont d'ailleurs régulièrement invitées à participer à des fêtes de mariage et à des réjouissances populaires sans être inquiétées. Mais elles sont pour la plupart du temps moquées par l'opinion et se font très discrètes.
La justice a eu connaissance de cas similaires à celui qui fait l'objet de cet article, mais a souvent "laissé tomber, sans jamais appliquer aucune peine contre un suspect de cette nature", a indiqué à l'AFP une source judiciaire.
Plusieurs pays africains ont récemment légalisé l'homosexualité
Plus de la moitié des pays d'Afrique subsaharienne – 28 sur 49 – disposent de législations interdisant ou réprimant l'homosexualité, parfois punie de la peine capitale. Ces dernières années cependant, l'Angola, le Mozambique et les Seychelles ont légalisé les relations entre personnes de même sexe, rejoignant le Gabon, la Côte d'Ivoire, le Mali, la République démocratique du Congo et le Lesotho. En juin 2019, la Haute Cour du Botswana a décidé de décriminaliser l'homosexualité, mais le procureur général du pays a choisi de faire appel.
L'Afrique du Sud, quant à elle, fait figure de pionnière en la matière. Depuis la fin du régime de l'apartheid en 1994, elle dispose d'un des cadres juridiques les plus libéraux du monde. Sa Constitution interdit toute discrimination fondée sur l'orientation sexuelle et le mariage homosexuel a été légalisé en 2006, une première encore inédite en Afrique. Un esprit d'ouverture que ne partage pas toujours l'opinion publique sud-africaine. Les actes de violence homophobe sont fréquents dans la nation Arc-en-ciel.
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