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Migrations vers l'Europe: pour «The Economist», il faut faire preuve de réalisme
«C’est quand on est relativement développé que l’on a les moyens» de migrer de l’Afrique vers l’Europe, bien plus que quand on est pauvre, constatait le géographe Michel Foucher dans Géopolis le 24 juin 2018. Il faut donc accepter le phénomène des migrations, tout en l’organisant, pense-t-il. Une analyse partagée par «The Economist» dans son édition du 22 septembre.
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De fait, «les Africains qui risquent le passage vers le Nord en traversant la Méditerranée ne sont pas les plus pauvres mais ceux qui possèdent un téléphone portable pour organiser le voyage, et de l’argent pour payer les passeurs», écrit Charlemagne, l’éditorialiste européen du très libéral The Economist (édition du 22 septembre), en écho à l’analyse de Michel Foucher. «Peu de Nigérians qui tentent la traversée viennent des régions pauvres du Nigeria. Presque tous sont originaires du Sud, plus riche.»
Ces mouvements migratoires ne sont sans doute pas prêts de s’arrêter. A l’appui de son analyse, The Economist cite un ouvrage du journaliste et universitaire américain Stephen Smith, La Ruée vers l’Europe (The Rush to Europe). Livre cité par le président Emmanuel Macron lors d’une interview télévisée le 15 avril 2018. Selon cette source, le nombre d’Européens «avec des racines africaines» pourrait passer de 9 millions aujourd’hui à 150-200 millions d’ici 2050.
Parallèlement, poursuit l’hebdomadaire, les relations économiques vont continuer à se développer. «L’Europe est de plus en plus dépendante des matières premières» africaines, constate The Economist. Notamment de son pétrole.
La «forteresse Europe»
Ainsi, en se refermant sur elle-même, la stratégie de la «forteresse Europe» ne va pas dans le bon sens: celle de réduire l’immigration «à presque n’importe quel coût humain», en ne tolérant que la «migration choisie». La «forteresse» oublie les relations liant les deux rives de la Méditerranée depuis l’Antiquité. «A titre d’exemple, l’étude de 22 squelettes retrouvées dans les ruines de la Londres romaine a montré que quatre d’entre eux étaient Africains», rapporte l’hebdo britannique.
La «forteresse Europe» pense s’en sortir en fournissant une «aide modeste» au continent africain. De son côté, la chancelière allemande Angela Merkel «promeut un "plan Marshall pour l’Afrique" comme un moyen de réduire» les phénomènes migratoires. Mais «c’est faire abstraction du fait que le développement économique va pousser à la hausse les chiffres des migrations», selon le journal britannique. Notamment en raison de l’augmentation de la population africaine et de l’élévation de son niveau de vie qui donnera aux candidats au départ les moyens de voyager.
Face à cela, il y a une alternative, écrit The Economist, «celle d’accepter l’intégration de l’Afrique et de l’Europe». Il s’agirait ainsi de faire preuve de réalisme. «La logique de l’Histoire, c’est un marché européen-méditerranéen qui traverserait le Sahara», pense le chercheur britannique Alex de Waal, cité par l’hebdo. Conséquence: il faudrait créer des «routes de migration régulées». Dans l’avenir, «les migrants africains constitueront une part significative de la main d’œuvre européenne. Dans ce contexte, nous devons nous demander quelle part et quelles formations nous devons (leur) fournir», poursuit Alex de Waal.
Conclusion de l’hebdo: «Que vous l’aimiez ou pas, l’Eurafrique appartient à l’avenir démographique et culturelle de l’Europe. Plutôt que d’ignorer ou de rejeter ce fait, il est préférable de (s’intéresser à ce mouvement) et d’en faire un succès.» Ce qui n’est pas forcément simple… Michel Foucher expliquait ainsi à Géopolis: «En France, on est incohérent sur ces sujets, il n’y a pas de discours de vérité. On est pris entre Le Pen et SOS Méditerranée. On n’arrive pas à voir la question dans sa complexité.»
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