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Proxénètes nigérians: à Bénin City, la traite continue malgré le procès de Paris

C’est un procès pour l’exemple, a lancé la présidente du tribunal correctionnel de Paris qui vient de juger un réseau de proxénétisme nigérian tenu par des femmes, les «Authentics Sisters». Les prévenus, pour la plupart Nigérians, ont écopé jusque à onze ans de prison pour avoir organisé la prostitution forcée de jeunes Nigérianes en France. Un nouvel esclavage que rien ne semble pouvoir stopper.
Article rédigé par Martin Mateso
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Des prostituées nigérianes dans la ville de Bénin City. C'est la capitale nigériane du trafic d'êtres humains. (Photo AFP/Pius Utomi Ekpei)

Plusieurs jeunes femmes nigérianes ont témoigné à l’audience de l’enfer de ces réseaux : viols, avortements forcés, menaces sur leurs familles. Des témoignages qui donnent froid dans le dos mais loin de décourager celles qui sont prêtes à tout pour sortir de la pauvreté et la misère de Bénin City. C’est la capitale nigériane du trafic d’êtres humains.

Bénin City, «le repaire des vendeurs de femmes»
Dans cette cité du sud du Nigéria, plaque tournante de l’immigration clandestine, la quasi-totalité des familles a un membre prostitué à l’étranger, indique Genre en Action, un réseau international qui lutte en faveur de l’égalité hommes-femmes dans l’espace francophone.

«Il y a plusieurs siècles, Bénin City fut le cœur prospère d’un royaume esclavagiste, elle est aujourd’hui le repaire des vendeurs de femmes», constate l’Association.

Dans cette ville rongée par le chômage, les jeunes filles sont devenues la proie facile des trafiquants qui leur promettent une vie meilleure : des études en Europe ou diverses opportunités pour faire fortune. De leur côté, elles s’engagent à rembourser à leurs supposés bienfaiteurs de fortes sommes d’argent (jusqu’à 50.000 euros) une fois arrivées en Europe. Souvent, elles ne savent pas ce qui les attend.

«Quand je suis arrivée en France, ils m’ont dit : les femmes noires, ici, elles sont prostituées. C’est leur travail. Ce jour-là, j’étais en pleurs», raconte une victime du réseau des proxénètes nigérians à Paris. On lui avait dit qu’elle serait coiffeuse.

«Elles doivent travailler à la chaîne, client après client»
Elles sont des milliers à vivre un calvaire sur les trottoirs de Paris, de Bruxelles, de Turin… et d’ailleurs. Elles sont soumises à la prostitution forcée, 24 heures sur 24.

«Elles doivent travailler à la chaîne. C’est client après client, avec des passes d’une dizaine d’euros. Pace que qu’elles ont des dettes à rembourser à leurs proxénètes», explique à la RTBF Sarah De Hovre, directrice d’un centre qui les accueille dans la ville belge d’Anvers.

Et pour s’assurer de leur silence, les trafiquants les soumettent à des rituels vaudous avant de les embarquer vers «la terre promise».

Un lien de vassalité à leurs proxénètes
Au cours d’une cérémonie que détaille un reportage réalisé par l’équipe d’Enquête exclusive (M6) sur les nouvelles filières de la prostitution, les victimes concluent un véritable pacte de chair et de sang.

«Au milieu d’une ambiance lourde et enivrante, où se mêlent la transe, l’absorption de boissons douteuses, le prélèvement de sang, de cheveux et d’ongles, les futures prostituées établissent un lien de vassalité à leurs proxénètes, et prêtent le serment de payer leur dette et de ne pas parler», explique le reportage diffusé par M6.

Et le piège se referme sur les pauvres filles une fois jetées sur les trottoirs des villes européennes où elles opèrent.

Elles sont des dizaines à quitter Bénin City chaque année pour se jeter dans la gueule du loup parfois avec la bénédiction de leurs propres familles qui espèrent les voir contribuer aux ressources financières de leurs foyers.

«Regardez mon père, il est vieux et n’a même pas de quoi se nourrir. Ici, nous souffrons depuis notre naissance jusqu’à notre mort», confie une Nigériane de Bénin City.

Là-bas, les affaires continuent et les condamnations annoncées au terme du procès des «Authentics Sisters» à Paris ont peu de chance de dissuader les trafiquants qui déversent les jeunes Nigérianes sur les trottoirs européens.

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