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Répression en Mauritanie: des ONG dénoncent la détention au secret d'un blogueur
Il y a un an, une cour d’appel avait ordonné de commuer sa peine de mort en la ramenant à deux ans d’emprisonnement, qu’il avait déjà purgés. Mais le blogueur mauritanien Mohamed Ould Mkhaïtir n’a jamais été libéré. Son seul tort, avoir publié en décembre 2013 un billet de blog sur l’esclavage et la discrimination dans son pays. Les appels pour sa libération se multiplient.
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Elles sont une trentaine d'ONG à mener campagne pour sa libération. Amnesty International, Human Rights Watch, Freedom Now et le Forum des organisations mauritaniennes des droits de l’Homme en font partie. Elles considèrent le blogueur Mohamed Ould Mkhaïtir comme un prisonnier d’opinion. Elles s’inquiètent aussi pour sa santé physique et mentale qui se dégrade du fait de sa détention prolongée.
«Tenir un blog n’est pas une infraction. Conformément à la décision de la justice mauritanienne, cet homme doit être libéré immédiatement et sans condition. Il faut que les autorités étudient tous les moyens possibles d’assurer sa sécurité», a déclaré Kiné Fatim Diop, chargée de campagne pour l’Afrique de l’Ouest à Amnesty International.
Inculpé d’apostasie et d’outrage au prophète Mahomet
Mohamed Mkhaïtir a été arrêté le 2 janvier 2014 parce qu’il avait publié, en décembre 2013, un billet de blog sur l’esclavage et la discrimination, notamment à l’égard de la caste des forgerons, dont il fait partie. Son article avait été jugé blasphématoire envers le prophète Mahomet. Inculpé d’apostasie et d’outrage au prophète, il avait été condamné à la peine capitale.
Pour le leader anti-esclavagiste mauritanien Biram Dah Abeid, c’est parce qu’il est d’une caste frappée d’infamie dans la société, qu’il subit ce sort.
«Je suis totalement en phase avec lui en ce sens qu’il a exprimé qu’il ne vise ni le prophète, ni la religion. Il vise surtout les castes d’oppresseurs en Mauritanie qui instrumentalisent la religion pour perpétrer les pratiques iniques de l’esclavage et du système de castes», explique Biram Dah Abeid à Géopolis.
«Détenu pour sa propre sécurité», affirment les autorités
Le jeune blogueur mauritanien avait exprimé son repentir, affirmant qu’il n’avait pas du tout l’intention de critiquer le prophète Mahomet. Mais il n’a jamais renié son combat contre la société des castes qui prévaut dans son pays.
Pendant près d’un an, les avocats de Mohamed Ould Mkhaïtir n’ont cessé de demander à lui rendre visite. En vain. Les autorités mauritaniennes ont fait savoir que le jeune blogueur de 35 ans était «en détention administrative pour sa propre sécurité».
Pour Amnesty International, «cela s’apparente à une détention au secret, qui est une grave violation des droits humains. Il faut que les autorités mettent fin à cette détention arbitraire», plaide l’organisation de défense des droits de l’Homme.
Gare à ceux qui dénoncent le recours illégal au travail servile
La directrice juridique de Freedom Now, Kate Barth, engagée dans cette campagne, fait remarquer que le cas du blogueur Mohamed Mkhaïtir est emblématique «de la répression à laquelle le régime mauritanien soumet les libertés d’expression et d’information, en particulier celles des journalistes qui dénoncent le recours illégal au travail servile».
Les Nations Unies ont critiqué à plusieurs occasions la détention et la condamnation à mort de Mohamed Mkhaïtir. En juin 2017, le Groupe de travail de l'ONU sur la détention arbitraire a conclu que le procès du blogueur avait été inique et que sa détention bafouait le droit international.
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