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Le khat, l’«opium du peuple» de Djibouti, obstacle au développement

Mâcher du khat. Une lourde tradition à Djibouti, entretenue par un Etat qui prélève des taxes confortables. Drogue légère, euphorisante, elle plonge malheureusement le pays dans la torpeur et surtout ruine des milliers de familles. C'est aussi un frein au développement.
Article rédigé par Jacques Deveaux
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Un homme transporte du khat acheté sur un marché d'Awaday en Ethiopie. (ZACHARIAS ABUBEKER / AFP)

Le khat est un arbre fréquemment cultivé dans certaines régions de l'Afrique orientale et de la péninsule arabique. Ses feuilles contiennent des alcaloïdes proches de l'amphétamine. Elles sont mâchées quotidiennement par une forte proportion de la population adulte à Djibouti et dans les pays limitrophes pour sa douceur et son effet stimulant.

Mais le khat, c’est aussi un business rentable, un chiffre d’affaires de 50 millions d’euros par an, dont l’Etat djiboutien profite allégrement. En effet, il prend une taxe de 6 euros par kilo. Or, chaque jour, dix à douze tonnes de khat sont vendues dans les boutiques. Faites le compte: l’Etat empoche environ 70.000 euros chaque jour. Cela représente même 15% des recettes fiscales du pays.
 
Chaque jour donc, avec la bienveillance des autorités, des camions venus d’Ethiopie livrent les précieuses feuilles. Le khat est devenu une raison d’être pour la moitié des hommes du pays. Sa consommation est quotidienne et plonge Djibouti dans la torpeur tout l’après-midi.
 
Les conséquences pour l’économie sont dramatiques. Les hommes passent l’après-midi à «brouter», selon l’expression consacrée, et la productivité s’en ressent. 60% de la population est au chômage et le tiers des habitants de Djibouti-ville vit sous le seuil de pauvreté. Car l’argent dépensé dans le khat ne va bien sûr pas dans la tenue du ménage. Or, on estime que les consommateurs consacrent 40% de leurs revenus à l’achat de cette drogue.
 
L’Etat qui en tire des revenus, les hommes politiques qui, sans doute, se servent au passage légitiment cette consommation. Certains brouteurs ne sont pas dupes, remarquant que cette dernière empêche le peuple de se rebeller.

 
Djibouti, mais aussi la Somalie, l’Ethiopie, l’Erythrée, en fait toute la corne de l’Afrique consomme le khat. Une tradition très ancienne qui, aujourd’hui, tourne à l’excès dans tous les pays concernés.

Ainsi, en Somalie, dans les années 1950-1960, la consommation était limitée à un petit nombre d’employés des ministères en guise de passe-temps. Les camionneurs, afin de garder les yeux ouverts sur les longs trajets, en consommaient aussi beaucoup. Durant le pouvoir socialiste de Siad Barre de 1971 jusqu’au début des années 90, la consommation grimpe. Elle a explosé avec l’anarchie des années 90.
 
Mais surtout, la consommation a augmenté car l’offre a augmenté. Auparavant, le khat venait déjà d’Ethiopie, mais en petite quantité, à dos d’âne. Le passage de la frontière de nuit et à pied ne favorisait pas les volumes. Aujourd’hui c’est par avion, relayé par des pickups rapides, que se fait le commerce. Les volumes n’ont plus grand-chose à voir. L’offre s’est étendue à l’ensemble des populations.

La consommation a suivi la diaspora, notamment en Europe. En 2012, les Pays-Bas, pourtant libéraux en ce domaine, ont interdit sa consommation. En 2013, c'était le tour du Royaume-Uni.

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