Tripoli : "L'attentat contre l'ambassade de France est un avertissement"
Pour Mathieu Guidère, spécialiste de l'islamisme radical, l'attaque perpétrée contre l'ambassade de France est une conséquence directe de l'intervention au Mali.
Le contraste est saisissant. Un an et demi après la mort de Mouammar Kadhafi et les vivats qui avaient accueilli Nicolas Sarkozy à Benghazi, la France est attaquée sur le sol libyen. Mardi 23 avril au matin, un attentat à la voiture piégée a frappé l'ambassade de France à Tripoli, blessant deux gendarmes mobiles. Le ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, a dans la foulée annoncé qu'il se rendait sur place le jour même.
Si l'attaque n'a pour l'heure pas été revendiquée, Mathieu Guidère, professeur des universités et spécialiste de l'islamisme radical, y voit la main de jihadistes hostiles à l'intervention française au Mali. Il répond aux questions de francetv info.
Francetv info : Que vous inspire l'attentat perpétré ce matin contre l'ambassade de France à Tripoli ?
Mathieu Guidère : Pour moi, il s'agit clairement d'un attentat d'avertissement, qui ne visait pas à tuer. Si le but avait été de faire des victimes, l'explosion aurait eu lieu deux heures plus tard, après 9 heures du matin. Ç'aurait été un massacre, d'autant qu'une mission d'information composée d'une dizaine de parlementaires français est en ce moment présente à Tripoli.
Il faut également noter que cet attentat survient au lendemain du vote par l'Assemblée nationale de la prolongation de l'intervention militaire au Mali.
Vous ne croyez donc pas à un attentat commis par des nostalgiques de Mouammar Kadhafi ?
Non, à cause de son timing, que je viens d'évoquer, mais aussi parce que les partisans de l'ancien régime de Kadhafi ne possèdent ni l'armement ni les explosifs nécessaires à un attentat de ce type.
Pour moi, les éléments qui peuvent en vouloir à la France sont les jihadistes qui souhaitent l'arrêt de l'intervention au Mali. Certains membres d'Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) qui étaient au Mali ont fui les frappes pour rejoindre la Libye. D'autres étaient déjà présents sur le territoire libyen, noyés dans les milices armées.
Il faut d'ailleurs savoir que depuis la chute de Kadhafi, la France et les Français conservent une très bonne image en Libye. Mais les jihadistes, qui représentent au grand maximum 1% de la population, ne lui pardonnent pas son engagement au Mali, comme tous les groupes de ce type dans la région.
Le gouvernement libyen contrôle-t-il la situation ?
A Tripoli, la situation est d'ordinaire très calme, et la sécurité est assurée par d'ex- miliciens dirigés par les anciens meneurs de la rébellion anti-Kadhafi.
Mais le gouvernement a du mal à imposer son autorité. Il existe un rapport de force entre l'exécutif élu et les anciens rebelles, qui réclament une loi interdisant à tous ceux qui ont eu un lien avec le régime de Kadhafi d'occuper des postes dans l'administration. Or certains membres du gouvernement sont dans cette situation.
Ce rapport de force peut être violent, puisque certains rebelles continuent d'assassiner des personnes suspectées d'être des proches de l'ancien régime. Depuis la chute de Kadhafi, environ quarante personnes ont ainsi été exécutées. Mais depuis l'attaque contre le consulat américain à Benghazi, le 11 septembre 2012, la Libye n'avait pas connu d'attentat aussi violent.
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