Coronavirus en Tunisie : "La farine, la semoule, l’eau de Javel manquent, comme le gel hydroalcoolique et les masques"
Le pays est de plus en plus touché par le Covid-19 et vit au ralenti. Récit.
Le président tunisien, Kaïs Saïed, a annoncé le 20 mars 2020 un confinement général du pays, sans donner de dates, ni de modalités. Durant la journée, chacun doit rester chez soi et ne sortir qu'en cas "d'extrême nécessité", a-t-il indiqué. Les hypermarchés seront fermés, mais les commerces de proximité seront approvisionnés, a-t-il souligné. Il a également décrété la fermeture des espaces industriels où travaillent un nombre important d'employés. "L’Etat va assurer les services vitaux, en terme de sécurité, de santé et de nourriture. Ces services vont continuer", a déclaré le chef de l'Etat, cité par businessnews, sans plus de précision. Des établissements spécialisés seront mis à la disposition des personnes isolées, a-t-il dit sans, là encore, donner de détails.
Le 17 mars, Kaïs Saïed avait annoncé l’instauration d’un couvre-feu de 18h à 6h. La plupart des établissements accueillant du public sont également fermés. Comme le sont les frontières terrestres, maritimes et aériennes.
Résultat : aujourd’hui, la Tunisie tourne au ralenti… Le 18 mars, lors du premier jour de couvre-feu, "au crépuscule, les voitures avaient déserté les rues emplies de l’odeur des fleurs d’oranger. On n’entendait plus que les aboiements des chiens, et au loin des récitations du Coran dans les mosquées proches", raconte, poétiquement, un journaliste de l’agence Reuters.
Depuis le 17 novembre, seuls les agents des forces de sécurité, les personnels soignants et ceux qui ont besoin d’une aide médicale d’urgence peuvent encore circuler à partir de 18 h. Mais à Tunis, en début d'après-midi, on voit encore beaucoup de monde dans les rues et dans les transports en commun, à l'heure où les fonctionnaires, dont le temps de travail a été réduit, rentrent chez eux...
Exemple d'activité en berne : les médias. Au grand journal francophone La Presse, il serait ainsi question d'abandonner l'édition papier et de seulement publier les articles sur le site internet du quotidien.
La maladie s'étend...
Malgré ces mesures, la maladie progresse. Au 20 mars, 54 personnes étaient atteintes par le coronavirus, contre 39 la veille. La Tunisie, qui a seulement procédé à 690 tests, a annoncé le 19 mars son premier cas mortel : une femme de 72 ans, qui venait de rentrer de Turquie et souffrait de plusieurs maladies chroniques, est décédée. "Même si on trouve le plus grand nombre de cas à Tunis et dans sa banlieue, aujourd’hui, tout le pays est touché", constate un Tunisois bien informé, interviewé le 20 mars au téléphone par franceinfo Afrique.
Dans ce contexte, "les gens sont inquiets. Résultat, on trouve des files d’attente très longues devant les supermarchés, les commerces sont pris d’assaut. La farine, la semoule, l’eau de Javel manquent, comme le gel hydroalcoolique et les masques", poursuit-il.
"Pour moi, c’est difficile de m’imaginer que nous n’allons plus pouvoir nous déplacer à cause de ce virus. C’est dur d'accepter que notre mode de vie a changé de cette façon. Mais je dois respecter la loi. Le monde entier a changé", a déclaré à Reuters un commerçant rentrant rapidement chez lui avec un sac d’aliments.
Tout le monde ne se comporte pas de la même façon. "On trouve aujourd’hui des personnes qui ne respectent pas l’auto-isolement par légèreté, indiscipline, manque de responsabilité", constate l’interlocuteur de franceinfo Afrique pour qui "il faut désormais prendre des mesures très strictes, qui soient dissuasives." La police a dû intervenir à l’heure du couvre-feu pour disperser des citoyens rétifs, a rapporté Reuters. Elle a aussi interpellé plusieurs personnes revenues de l’étranger et qui avaient refusé de se soumettre à un ordre de quarantaine.
"Nous n’avons pas de travail et maintenant, on nous demande de rester à la maison. Mais moi, à cette heure-là, je ne peux pas rester chez moi. J’ai envie de passer le temps avec mes amis", a expliqué un jeune homme que le journaliste de Reuters a rencontré dans la rue une demi-heure après l’heure du couvre-feu.
Quels moyens ?
Dans le même temps, les services sanitaires et hospitaliers ont-il les moyens de combattre la pandémie ? "Nous avons en quelque sorte la chance d’avoir devant les yeux les exemples de pays très touchés comme l’Italie ou la France. Mais nous n’avons pas leurs moyens", répond notre interlocuteur. L’évolution de la maladie le préoccupe. "Si nous assistons à un raz-de-marée de malades, nous n’aurons pas les moyens pour y faire face. Nous n’avons pas assez de matériel, pas assez de tests. Les masques peuvent coûter jusqu’à 700 dinars (223 euros) ! C’est très, très inquiétant !", observe-t-il.
De fait, étranglées par la dette et une situation économique morose, les autorités tunisiennes n’ont pas forcément les ressources nécessaires pour combattre efficacement le virus. Selon le site Tunisie Numérique, le ministère tunisien de la Santé a budgété "une enveloppe de 12 millions de dinars" (3,8 millions d'euros) dans le cadre d'un "plan national de lutte contre le coronavirus". Soit "1 dinar par habitant" (0,32 euro), se désole le site. A tel point qu’aujourd’hui, des initiatives citoyennes organisent des collectes pour apporter des fonds au ministère de la Santé…
"Plusieurs médias ont commencé à appeler à une mobilisation citoyenne pour combattre le coronavirus à travers la collecte de dons et envisager, par la même occasion, l’organisation d’un téléthon. Ces appels oublient malheureusement que la santé publique est une responsabilité du premier ordre de l’Etat", observe Tunisie Numérique.
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