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La Tunisie veut accroître son autosuffisance en médicaments

L'importation de médicaments est une charge financière importante pour le pays. Pourtant l'industrie pharmaceutique, secteur prometteur, y est bien développée. 

Article rédigé par Pierre Magnan
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 4min
La ministre par intérim de la Santé Sonia Ben Cheikh lors d'une conférence de presse, le 11 mars 2019.
 (FETHI BELAID / AFP)

"La Tunisie atteindra 70% de son autosuffisance en médicaments produits localement au cours de l’année prochaine", a souligné le 17 juin 2019 Sonia Ben Cheikh, ministre de la Santé par intérim. “Cet objectif sera atteint à travers le renforcement des capacités stratégiques des fabricants de médicaments tunisiens de manière à réduire le coût et l’importation pour préserver les réserves en devises”, selon ses propos tenus à l'occasion de l'inauguration d’une deuxième unité de production de la société arabe des industries pharmaceutiques (SAIPH).

Cet objectif de 70% est élevé surtout que les données ne sont pas très fiables. En 2018 le ministère de la Santé estimait que l'autosuffisance du pays en médicaments était de... 48%. Le ministre de la Santé Imed Hammami déclarait déjà que la Tunisie s'activait à élaborer des stratégies et des programmes permettant d’assurer son autosuffisance en médicaments. Quant au Premier ministre, Youssef Chahed, il avait indiqué cette même année, que la Tunisie œuvrait à couvrir 60% des besoins du marché en médicaments en 2020 contre moins de 51% en 2016.

Une industrie pharmaceutique qui progresse de 7,5% par an

Les annonces ministérielles interviennent dans un contexte difficile. En fin d'année dernière, la Tunisie avait dû faire face à de nombreuses pénuries de médicaments. Un problème récurrent, aggravé par les difficultés financières du pays.

Pourtant, la Tunisie a développé une industrie pharmaceutique dynamique qui couvre une importante partie des besoins des malades. "Entre 2013 et 2017, les ventes de médicaments produits localement ont connu une croissance moyenne de 7,5%". Sur la même période, "les exportations ont presque doublé", précise l'Economiste maghrébin

"Avec 57 unités de production en 2016, cette branche emploie 8327 personnes. La production locale de produits pharmaceutiques ne couvre que 44% environ des besoins du marché national, le reste est donc importé, essentiellement depuis la France, qui représente la moitié des importations tunisiennes de médicaments", note une étude du Trésor français. 

Cette industrie est un outil de développement efficace dans un continent qui se montre de plus en plus consommateur de médicaments. Le secteur a l'avantage d'employer une main d'œuvre qualifiée, avec des salaires supérieurs à ceux des autres branches. La valeur ajoutée pour l'économie nationale est importante.

Une carte à jouer sur le marché africain

Sur ce créneau, la Tunisie a justement une carte à jouer, car la demande en médicaments ne peut qu'augmenter en Afrique. "Selon des statistiques convergentes, le continent compte environ 375 producteurs de médicaments, situés pour la plupart en Afrique du Nord, et qui doivent satisfaire les besoins d’environ 1,2 milliard de personnes", selon un article du site Agence Ecofin 

La Tunisie est déjà présente sur ce marché africain du médicament. Ses "exportations de médicaments sont destinées au marché maghrébin à 70%, 15% à l’Europe et 15% aux pays africains et arabes. En effet, la Tunisie constitue un hub pour le développement d’activités d’exportation de produits pharmaceutiques vers les autres pays de la région, notamment la Libye et l’Afrique subsaharienne de l’Ouest", précise l'étude de Bercy. Une étude publiée sur le site de la Banque mondiale estime cependant que la Tunisie pourrait être plus efficace sur ce marché. "Les exportations tunisiennes de médicaments humains ne représentent que 6% de la fabrication locale, soit treize fois moins qu’un pays comparable comme la Jordanie", note Rania Ashraf Doura, qui se félicite des efforts de modernisation mis en œuvre dans ce domaine. 

Ce marché est en pleine croissance, mais les grands groupes mondiaux restent largement dominants. Et les industries naissantes ont du mal à se faire leur place, surtout que les pays développés entendent bien garder leur avantage. Dans le cas tunisien, les accords internationaux comme l'ALECA ou d'autres pourraient gêner le développement de l'industrie tunisienne dans le domaine des médicaments génériques.

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