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Tunisie : l'ancien candidat homosexuel Mounir Baatour appelle à voter Nabil Karoui

L'avocat avait tenté, en vain, de se présenter comme candidat LGBT à la présidence tunisienne. Une première dans le monde arabe. Interview.

Article rédigé par Laurent Ribadeau Dumas - Envoyé spécial en Tunisie
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
L'avocat Mounir Baatour dans son bureau à Tunis le 11 octobre 2019 (FTV - Laurent Ribadeau Dumas)

L'ancien candidat, qui préside l'association Shams, explique à franceinfo Afrique pourquoi il choisit le patron de Nessma TV, Nabil Karoui, récemment libéré de prison et opposé au 2e tour de la présidentielle à l'universitaire Kaïs Saïed. Selon l'avocat, qui a rencontré Nabil Karoui pendant son incarcération d'un mois, ce dernier lui a expliqué qu'il était favorable à la dépénalisation de l'homosexualité en Tunisie.

franceinfo Afrique : comment jugez-vous cette élection présidentielle ?

Mounir Baatour : le jeu démocratique n'a pas été respecté. L'incarcération de Nabil Karoui l'a empêché de mener campagne. Cette personnalité proche du peuple n'a pas pu sillonner le pays pour donner son programme. Son incarcération a complètement faussé le jeu.

Vous avez appelé à voter pour lui...

Oui, car Karoui a un discours contre la pauvreté et la misère dans un pays où la classe moyenne est très touchée par la baisse du pouvoir d'achat. On assiste à un nivellement par le bas. Les solutions qu'il préconise sont des solutions réelles : il a ainsi évoqué la création d'une instance nationale contre la pauvreté. Il a parlé des régions les plus deshéritées, de la sortie précoce des enfants des écoles à cause de la pauvreté. Il veut que les Tunisiens mangent à leur faim. 

Nabil Karoui lors d'un meeting de campagne à Tunis le 11 octobre 2019, quelques heures avant le débat qui l'a opposé à la télévision à son adversaire Kaïs Saïed (FTV - Laurent Ribadeau Dumas)
Peut-on cependant croire Nabil Karoui qui est accusé de fraude fiscale et de blanchiment d'argent ?

D'abord, la fraude fiscale n'est pas un délit en Tunisie. En ce qui concerne les transferts d'argent, je suis fier qu'un Tunisien ait des sociétés à l'étranger. Pour le blanchiment, ce n'était pas lui qui en était le bénéficiaire. Et puis en quoi cela a-t-il porté atteinte à l'ordre public ? En l'occurrence, la présomption d'innocence n'a pas été respectée. Attendons qu'il soit jugé. 

Quand il a été arrêté en août, il était très haut dans les sondages. Son incarcération lui a énormément nui : elle lui a fait perdre la première place au premier tour de la présidentielle. 

Comment Nabil Karoui voit-il l'homosexualité ?

Je peux vous en parler directement car j'ai été le voir deux fois en prison. Il m'a dit qu'il était contre la pénalisation de l'homosexualité (la sodomie est réprimée par le code pénal tunisien, NDLR). Et qu'il était désolé pour les victimes homosexuelles de la politique du gouvernement de Youssef Chahed. Je rappelle qu'en 2018, il y a eu 127 incarcérations d'homosexuels en Tunisie. Nabil Karoui désapprouve cette politique et ne manie pas la langue de bois pour ménager les homophobes..

Et que dit Kaïs Saëd à ce sujet ?

Pour lui, les associations homosexuelles sont financées par l'Occident pour corrompre la société islamique. Comme si elle nétait pas assez corrompue... Il nous voit comme des agents de l'Occident et un lobby maçonno-siono-occidental !

Kaïs Saïed, juste avant le débat télévisé qui l'a opposé à son adversaire du 2e tour de la présidentielle, Nabil Karoui, le 11 octobre 2019 (REUTERS - ZOUBEIR SOUISSI / X02856)
Il est homophobe, mysogine, xénophobe, ignare. Il est presque autiste ! Il donne l'impression de quelqu'un de cultivé en s'exprimant comme une machine dans un arabe classique que personne ne comprend. Dans ses cours, à l'université, il a une réputation de rigidité et de monotonie. Sur Facebook, on l'appelle "Robocop".

Dans le même temps, il est trop proche des salafistes obscurantistes. Son programme n'est pas clair. Il veut toucher aux institutions. Il veut ainsi supprimer les législatives en créant des comités locaux de démocratie directe à la Kadhafi. C'est un très grand danger pour la démocratie en Tunisie !

Pour finir, j'ai une proposition à faire à Kaïs Saïed. Il a dit que les homosexuels sont des malades. Admettons. Dans ce cas, nous lui disons : "Des malades comme les diabétiques, les cardiaques, on les soigne avec des médicaments. Alors, si l'homosexualité est une maladie, donnez-nous un médicament pour la soigner. Et vous aurez le prix Nobel de médecine !"

Mounir Baatour dans le jardin de son cabinet d'avocat à Tunis le 11 octobre 2019 (FTV - Laurent Ribadeau Dumas)


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