Tunisie: la success story de la société textile Jasmine Mode
Les machines tournent à plein régime en cette très chaude matinée du 23 juin 2015. Nombre d’ouvrières s’affairent sur leurs machines à coudre. Tandis que d’autres découpent du tissu pour la fabrication de robes, chemises, pantalons… Les horaires habituels (8h-12h, 13h-17h) se sont adaptés à la période du ramadan : 8h à 15h. «Cela n’affecte pas vraiment notre rendement», constate Habib Boussaada, directeur général de Jasmine Mode qui, lui aussi, jeûne comme nombre de Tunisiens. Il pousse la politesse à faire déjeuner le visiteur étranger en face de lui tout en ne mangeant ni ne buvant rien lui-même. Et de commenter: «C’est une question de tolérance : respecter le ramadan ne veut pas dire que nous sommes des fondamentalistes !»
A la base, Habib Boussaada a travaillé avec son père. «Puis en 2008, j’ai fondé une autre société en reprenant une partie du personnel de l’entreprise familiale», raconte-t-il. Pour se faire, il s’est notamment associé avec un partenaire italien. Il travaille aujourd’hui à 100% pour l’export, avec surtout des clients en France, en Italie et en Espagne. «Nous avons aussi quelques niches aux Etats-Unis et au Japon», poursuit le dirigeant. Il prospecte aussi en Allemagne. Preuve de l’internationalisation de son entreprise: son site internet est tout en anglais.
Celle-ci possède un portefeuille de clients moyen et haut de gamme. On y trouve des marques aussi connues que Kookaï, Didier Parakian, Prada, Marina Rinaldi…. Jasmine Mode réalise un chiffre d’affaires de 2 millions d’euros par an.
«Nous développons nos propres collections en lien avec nos clients. En proposant des produits adaptés à leur goût», explique Habib Boussaada. Des produits revendus jusqu’à 10 fois leur prix de départ usine, selon la notoriété de la marque. «En moyenne, la revente se fait entre 3 et 5 fois le prix de départ», précise-t-il.
Lien de cause à effet ? Le dirigeant affirme ne pas connaître trop de problèmes malgré la crise qui affecte son pays. «C’est vrai que 2011 a été une période un peu difficile même si cela n’a pas touché nos exportations. Par la suite, en 2012-2013, nous avons senti des réticences de la part de quelques clients. Et l’attentat du Bardo, au début de 2015, ne nous a pas affectés», ajoute-t-il. Petite précision : la visite dont il est question ici a eu lieu trois jours avant l’attaque de Sousse.
Habib Boussaada explique aussi la bonne santé de son entreprise par son «avantage social». «Nous sommes en règle avec la loi. Ainsi, tous nos salariés sont déclarés», assure-t-il. Sur les 200 employés que compte Jasmine Mode, 180 sont des ouvrières payées 300 euros par mois (salaire minimum en Tunisie en 2014 : 146,88 euros) pour 48 heures par semaine et 21 jours légaux de congés par an. «Cela nous a évité des difficultés en 2011, au moment de la révolution», pense le directeur général. Une période pendant laquelle le personnel a gardé les locaux et a continué à travailler.
Jasmine Mode n’est pas affectée par les grèves, fréquentes dans le pays, ni par le phénomène salafiste. «D’une manière générale, peu importe que les ouvrières soient voilées ou pas. Cela reste leur liberté», commente son responsable.
Et l’avenir ? Habib Boussaada n’a pas l’air inquiet pour sa société. Et pour le pays ? « Il faut lancer un message fort pour montrer que la Tunisie est un nouveau pays démocratique. Celui-ci a beaucoup d’atouts pour se développer. Surtout si la stabilité revient». Si…
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