Argentine : le Riachuelo, l’un des fleuves les plus pollués de la planète
Près de 4 millions de personnes vivent sur les berges du Riachuelo et de son principal affluent, le Matanza. L'eau sombre du fleuve asphyxié dépasse de 50% le seuil autorisé de mercure, arsenic, zinc, plomb et chrome, selon plusieurs organisations écologistes dont Greenpeace. Ces substances toxiques provoquent des maladies infantiles, le fleuve étant l'unique terrain de jeu des plus jeunes.
Lourds métaux toxiques
L'activité industrielle, essentiellement basée sur le traitement du cuir et la fabrication de produits chimiques, est responsable à 95% de la pollution, selon les chiffres officiels. Villa Inflammable (Favela Inflammable, en espagnol), banlieue déshéritée qui donne sur le fleuve, est probablement la plus touchée par la pollution, à deux pas du pôle pétrochimique Dock sud. Les déchets chimiques, qui proviennent de l'installation, sont déversés en grande quantité dans le fleuve.
Outre les métaux lourds toxiques qui contaminent l'eau, des tonnes d'ordures ménagères jonchent les deux rives. Car quand les pluies diluviennes s'abattent sur l'agglomération de Buenos Aires, les rues en terre battue se transforment en ruisseaux de boue et déversent dans le fleuve toute sorte de déchets. Les odeurs d'immondices obligent même les riverains à vivre avec leurs fenêtres fermées.
Selon l'Autorité du Bassin Matanza-Riachuelo (ACUMAR), qui réunit les responsables au niveau de l'Etat, de la province et des communes, 12.000 camions remplis de déchets, soit 190.000 tonnes, ont été extraits du lit et des abords du Riachuelo.
Dans le bassin, 35% de la population n’a pas accès au réseau d’eau potable et 55% est privée de tout-à-l’égout. De nombreux riverains utilisent de l’eau de puits pour arroser leurs potagers, eau contaminée par les nappes phréatiques reliées au fleuve. Ces personnes sont ainsi exposées à des maladies de peau et des pathologies respiratoires.
Le nettoyage n'a jamais abouti
Un projet d’Etat pour le nettoyage du fleuve en 1993, n’a jamais abouti. La ministre argentine de l’Environnement de l’époque, Maria Julia Asogaray, avait pourtant promis d’y rendre la baignade possible. «Parvenir au fond du Riachuelo, c’est comme s’enfoncer dans un yaourt noir et gelé», décrit Guillermo Balbi, plongeur professionnel depuis 1967.
En 2008, la cour suprême avait ordonné aux pouvoirs publics de mettre en oeuvre un plan d'assinissement face à cette catastrophe humanitaire et écologique. Trois ans après, les objectifs n'étaient toujours pas atteints et les décharges qui devaient disparaître ont plus que doublé, passant de 141 en 2008 à 348 en 2010. Cinquante-neuf navires échoués ont toutefois été évacués du fleuve dont le dernier en avril 2011.
«Niveaux de toxicité élevés»
Mais, regrette Greenpeace, depuis 2008 «il n’y a pas eu d’évolution positive sur la qualité de l’eau et les niveaux de toxicité restent très élevés. Le gouvernement national, comme celui de la province de Buenos Aires et de la capitale, doivent apporter les fonds nécessaires» pour décontaminer le Riachuelo qui borde notamment le quartier très touristique de Buneos Aires et berceau du tango, la Boca.
Malgré une amélioration, la dépollution des eaux ne semble toujours pas être une priorité, excepté en période électorale où le sujet refait surface. L’actuel ministre de l’Environnement, Juan José Mussi, avait affirmé en mars 2013 que l’assainissement du Riachuelo aurait lieu en 2016. Le fleuve n'est pas prêt d'être sauvé.
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