Au Venezuela, la population multiplie les lynchages
Il s’appelait Roberto Bernal, il avait 43 ans et travaillait comme cuisinier à Caracas. Dans ce quartier de Las Ruices, où vit une classe moyenne, la foule l’a confondu avec un voleur. Après les coups, l’horreur a atteint son paroxysme. L’homme est mort brûlé vif.
Ce n’est malheureusement pas le seul. L’AFP relate un double lynchage il y a quelques semaines, toujours dans ce quartier de Las Ruices. Deux jeunes, attrapés on ne sait trop comment par la foule qui les accuse de vol. «Les coups pleuvaient», raconte Josephina, une coiffeuse témoin de la scène. «Soudainement, quelqu’un les a aspergés d’essence et les a brûlés vifs».
Déjà 37 morts
Mi-avril, la procureure générale Luisa Ortega a indiqué que ses services enquêtaient sur 26 cas où des personnes avaient fait justice elles-mêmes, dont 24 pour le seul premier trimestre 2016. Ces lynchages ont provoqué la mort de 20 personnes et fait 17 blessés. Depuis, le compteur morbide s’est affolé. Le Venezuela en est à 37 morts pour 74 dossiers !
Les habitants commencent même à se structurer. Ainsi grâce à une application sur mobile, le groupe Las Ruices en action poursuit les voleurs à la tire. Un des membres du collectif, William Collins explique à l’AFP qu’il s’agit de décourager les voleurs et non de les tuer. «Nous devons nous défendre car il n’y a pas suffisamment de surveillance policière. Les lynchages sont venus spontanément», précise cet avocat.
Une société malade
Sur son site internet, l’ONG Comunicas s’inquiète de l’augmentation exponentielle de ces actes. Selon elle, les participants à ces lynchage sont des gens tout à fait ordinaires, qui, dans un moment de colère, réagissent contre l’injustice. C’est également le sentiment de Magally Huggins, psychologue sociale, qui parle d’une frustration des citoyens qui «n’ont pas l’impression d’avoir accès à la justice.»
Toujours selon Comunicas, ces lynchages sont perçus par leurs acteurs, comme une façon de se faire justice, tout en donnant une «bonne leçon» aux voleurs afin qu’ils ne recommencent pas. Mais selon Luis Izquiel, un criminologue, ces actes sont «le symptôme d’une société malade. Et la raison de cette maladie, c’est l’insécurité terrible qui touche le pays et l’impunité qui y règne.» Dans un pays normal, quand un groupe de personnes attrape un voleur, elle le conduit aux autorités. Selon Izquiel au Venezuela, on ne le fait pas car «on pense que la police est corrompue ou incapable».
Un réquisitoire sans appel qui, il faut bien le dire, trouve une partie de vérité dans des statistiques de la criminalité effrayantes. En 2015, près de 18.000 meurtres ont été enregistrés (en moyenne 800 par an en France pour une population double), soit un pourcentage de 58,1 homicides pour 100.000 habitants.La california norte hoy 12m #22 Marzo pic.twitter.com/xmUiebcIqW
— Luigi (@LuigiLuiggiC) March 22, 2016
Quant aux lynchages, conclut Izquiel, ils cesseront lorsque «la population aura le sentiment que police et justice fonctionnent.»
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