Bolivie-Chili: l'accès à la mer, un différend vieux de plus de 130 ans
Cent trente-deux ans après sa défaite lors de la guerre du Pacifique contre le Chili (1879-83), et la perte de 400 km de côtes et de son accès à la mer, la Bolivie a déposé une plainte auprès de la Cour internationale de justice à La Haye. Dans sa demande, elle a sans doute été confortée par un arrêt de cette Cour rendu en janvier 2014, qui a accordé au Pérou une partie de territoire maritime contrôlée par le Chili depuis la même guerre du Pacifique.
Pour la Bolivie, il s'agit d'obtenir un corridor à travers le désert d'Atacama, jusqu'à la côte Pacifique. Un bout de territoire qu'elle reprendrait sur les 120.000 km² cédés au Chili lors de la signature en 1904 d'un «traité de paix et d'amitié».
La Cour internationale de justice (CIJ), plus haut organe judiciaire des Nations Unies, a planifié des audiences jusqu'au 8 mai 2015, afin de déterminer si elle a compétence pour connaître du différend entre les deux pays, qui n'ont plus de relations diplomatiques depuis 1978. Sa décision n'est pas attendue avant plusieurs semaines et si elle était positive, l'examen au fond de l'affaire n'aurait pas lieu avant des mois.
Une économie bolivienne pénalisée et une tension croissante avec le voisin chilien
Le «retour à la mer» est une revendication historique de la Bolivie, inscrite d'ailleurs dans sa Constitution. Le 23 mars de chaque année, La Paz commémore la perte de son littoral Pacifique. Ce «día del mar» est aussi l'occasion de raviver la flamme patriotique. Le pays andin, enclavé depuis plus d'un siècle, souffre de pauvreté et voit son économie pénalisée par l'absence de débouché maritime direct.
Régulièrement, la Bolivie a réclamé auprès du Chili la révision du traité de 1904 et la garantie d'un accès à la mer pour ses exportations. En vain. Avec l'arrivée au pouvoir en 2006 de l'ancien syndicaliste Evo Morales, premier président amérindien du pays, la demande s'est faite de plus en plus pressante, comme l'affirmation d'un droit inaliénable du peuple bolivien.
En mars 2011, les esprits se sont échauffés de part et d'autre de la frontière. Le ministre bolivien des Affaires étrangères annonçait que la Bolivie n’attendrait pas cent ans de plus pour récupérer son littoral. La sortie vers la mer de la Bolivie via le Chili «est fermée à jamais», rétorquait le ministre chilien des Affaires étrangères, Heraldo Muñoz.
Un peu plus tard, le ministre de la Défense de Santiago en rajoutait et affirmait que son pays ferait respecter les traités internationaux en vigueur, s’il le fallait par la force, et de rappeler que le Chili «possède une armée prestigieuse et professionnelle».
Enfin en juin 2011, le 41e sommet de l’OEA (Organisation des États américains) a été l’occasion de porter le différend boliviano-chilien sur la scène internationale. Les ministres des deux pays ont exposé chacun leur point de vue: désir de récupérer la mer côté bolivien, intangibilité des traités en vigueur côté chilien.
La guerre du Pacifique
Au XIXe siècle, les débuts de l'industrialisation augmentent les besoins en matières premières. Le Chili jette des regards envieux sur le territoire au nord du sien, qui recèle d'abondantes ressources en guano et en salpêtre (utilisé pour la fabrication des explosifs). Soutenue dans ses convoitises par l'Angleterre, qui juge avec bienveillance l'expansionnisme chilien, Santiago lance une première attaque victorieuse en 1839 contre le Pérou et la Bolivie empêchant la réunion de ces deux pays au sein d'une confédération.
En 1879, la guerre du Pacifique éclate au motif que les investisseurs chiliens, très présents en Bolivie, sont menacés d'une hausse des impôts. Les entreprises qui refusent sont par la suite liquidées. La Bolivie et le Pérou s'allient mais lors d'une bataille navale, La Paz n'ayant pas de marine, c'est Lima qui est opposée à Santiago. Mais sur la mer, les Chiliens se montrent les plus forts puis, mieux préparés, ils imposent leur supériorité en remportant plusieurs victoires dans le désert d'Atacama.
Affaiblis, les Boliviens se retirent de la guerre. Les troupes du général chilien Manuel Boquedano entrent alors dans Lima, et malgré la résistance de la population péruvienne, la ville se rend et la guerre prend fin le 20 octobre 1883 par le traité d'Ancon. La paix entre le Chili et la Bolivie fut signée en 1904, actant noir sur blanc la perte par la nation perdante de son territoire maritime.
Une exigence bolivienne mise en avant à chaque occasion
Lors du Sommet des Amériques à Panama en avril 2015, et en l'absence de la présidente chilienne Michelle Bachelet retenue dans son pays à cause d'importantes inondations, la Bolivie a saisi l'opportunité d'un auditoire composé de 34 délégations pour rappeler une nouvelle fois le caractère incontournable et permanent de sa demande d’un droit à la mer.
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