Pourquoi l'Etat islamique vise la communauté homosexuelle
L'organisation terroriste a revendiqué la tuerie qui a fait 49 morts dans une boîte de nuit gay d'Orlando. Omar Mateen a ciblé une communauté attaquée depuis longtemps par le groupe terroriste.
C'est la fusillade la plus grave de l'histoire des Etats-Unis. Dans la nuit du samedi 11 au dimanche 12 juin, un homme est entré armé dans une célèbre boîte de nuit gay à Orlando (Floride), tuant 49 personnes et faisant 53 blessés. Dans un message sur sa radio, le groupe Etat islamique a revendiqué le massacre commis par "un soldat du califat" mais l'enquête menée par le FBI cherche à déterminer dans quelle mesure le tueur Omar Mateen est réellement lié à l'organisation.
Que le tueur ait agi seul ou sur ordres, Omar Mateen a ciblé une communauté attaquée depuis longtemps par le groupe terroriste. Depuis plusieurs mois, la communauté homosexuelle est en effet la victime médiatisée, parmi d'autres, de la barbarie du groupe terroriste. Francetv info vous explique pourquoi.
Pour l'Etat islamique, l'homosexualité est une "abomination"
"Dans le Coran, le principe de base est une condamnation de l'homosexualité, perçue comme une abomination", explique le chercheur spécialiste de l'islam politique, Oliver Roy, au site Yagg. "Les interprétations divergent sur le fait d'infliger la peine de mort aux personnes homosexuelles (...) mais les jihadistes ont choisi l'interprétation la plus dure."
Au sein de son "califat", l'organisation Etat islamique a instauré un véritable cadre juridique autour de l'homosexualité, qui doit être condamnée selon les préceptes de la charia, la loi islamique. Selon l'idéologie du groupe jihadiste, l'homosexualité est un affront à la "fitrah" (l'état de nature) et doit donc, à ce titre, être combattue. "Quand un homme chevauche un autre homme, le trône de Dieu est secoué", dit un "hadith" (enseignement prophétique), cité par CNN (en anglais). L'Etat islamique assimile aussi les homosexuels à la tribu de Loth, qui aurait conduit par ses pratiques sexuelles, à la destruction de la ville biblique de Sodome.
Se basant sur cette lecture de l'islam, l'organisation terroriste a publié le 15 décembre 2014, un Code pénal (en anglais) détaillant les punitions à appliquer pour les actes qu'elle juge illégaux. Selon ce texte, la sodomie doit être punie de mort "pour la personne qui commet l'acte, ainsi que pour celui qui la reçoit".
Les gays sont traqués dans les territoires contrôlés par les jihadistes
Manbij, Syrie, mai 2016. Un jeune Syrien de 15 ans est condamné pour "crime de sodomie" par un tribunal de l'Etat islamique et jeté du haut d'un immeuble de cette ville de la province d'Alep. "Cette exécution barbare s'est déroulée devant des centaines de personnes", rapporte l'agence de presse syrienne indépendante Ara News (en anglais). Cette exécution succède à celle, similaire, orchestrée à Palmyre en décembre 2015 de deux hommes de 32 et 21 ans, jetés du toit d'un hôtel pour "sodomie", puis lapidés, décrit CBS News (en anglais).
"Nous recensons 41 meurtres d'homosexuels menés par l'Etat islamique depuis décembre 2014", confie Jessica Stern, directrice de la Commission internationale des droits des gays et lesbiennes à francetv info. "Ce n'est que la partie émergée de l'iceberg. Les informations à ce sujet sont très dures à obtenir. Il y en a beaucoup plus."
Cette barbarie envers les homosexuels est cependant bien plus ancienne que la présence de l'Etat islamique. "Dans tous les territoires pratiquant un islam rigoriste et traditionnel, les homosexuels sont menacés", prévient Jessica Stern. Si de nombreux Syriens et Irakiens homosexuels fuient leur pays à cause du groupe jihadiste, être gay en Turquie, au Liban ou au Maroc est toujours source de persécutions.
"Dans l'Etat islamique, les gays sont traqués et tués tout le temps", témoignait Subhi Nahas, un réfugié syrien ayant fui son pays, lors de la première réunion du Conseil de sécurité de l'ONU sur les droits des homosexuels, en août 2015.
Pour vous repérer, les agents de l'EI regardent comment vous marchez, comment vous vous coiffez, et déterminent selon leurs propres standards, si vous êtes homosexuel.
"Quand ils capturent quelqu'un, ils inspectent son téléphone, ses contacts et ses amis Facebook", avait-il ajouté. "Ils tentent de traquer tous les hommes gays. C'est comme un effet domino. Si l'un tombe, les autres tomberont aussi." Face à cette terreur, certains homosexuels auraient même rejoint les rangs de l'EI pour éviter d'être tués, rapporte le site The Daily Beast (en anglais).
L'Etat islamique fait sa propagande en mettant en scène les exécutions d'homosexuels
"Depuis juillet 2014, l'Etat islamique a diffusé au moins sept vidéos ou photos en ligne montrant des exécutions de personnes qu'ils accusent d'être homosexuelles", indique Jessica Stern. La "déviance homosexuelle" a une place particulière dans la propagande de l'Etat islamique et fait partie de "la mise en scène traditionnelle de l'EI pour susciter la terreur", détaille Olivier Roy. A travers les images et les vidéos diffusées par le groupe, "le message est : soumettez-vous ou vous serez égorgés et subirez le même sort. S'en prendre à l'homosexualité ne fait pas partie de leurs priorités, mais participe à leur fantasme de purification qui s'exprime au travers du jihad".
La revue officielle de l'Etat islamique, Dabiq, a ainsi publié en janvier un numéro condamnant violemment "la révolution sexuelle intervenue il y a cinq décennies en Occident" et la "légalisation du mariage sodomite", reprend Le Monde. Une fusillade de l'ampleur de la tuerie d'Orlando, ainsi que sa médiatisation, participe à l'objectif d'instauration de la terreur et de la domination du groupe.
A Orlando, une cible doublement symbolique
L'attaque d'Orlando marque-t-elle un tournant dans la stratégie de l'Etat islamique ? "C'est la première fois que le groupe s'attaque à une communauté en dehors de ses territoires", note David Thomson, journaliste spécialiste du jihadisme, "mais impossible à dire comment il se conduira à l'avenir".
Difficile aussi de dire si d'autres communautés pourraient être particulièrement ciblées, comme la communauté noire par exemple. "Il vaut mieux se demander qui n'est pas la cible, plutôt que qui l'est", précise David Thomson. Pour lui, les homosexuels représentent une cible "facile" :
L'homosexualité est une cible qui fait consensus chez tous les jihadistes. Elle est combattue, indépendamment de tout contexte géopolitique, comme la communauté juive.
A l'occasion du ramadan, l'Etat islamique a diffusé un message dans lequel il annonce qu'il visera tous les Etats de la coalition durant ce mois sacré de l'islam. "La cible première, ce sont les Etats-Unis. C'est difficile à dire, mais, la communauté homosexuelle est pour eux 'un bonus'", assure le journaliste.
"Qui que soit vraiment l'auteur de la tuerie, cette attaque montre aussi que les Etats-Unis n'ont toujours pas réglé leur problème avec l'homophobie et le port des armes", renchérit Jessica Stern. "La communauté LGBT subit une violence continue aux Etats-Unis, que les dirigeants peinent à éviter. C'est par là que nous devrions prendre le problème."
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