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Mexique : sous les algues, la plage... nauséabonde

Les plages de la côte orientale du Mexique sont ensevelies sous des monceaux d'algues sargasses. Avec cet échouement massif, les rivages de carte postale sont devenus marronnasses et l'air ambiant pestilentiel. Avec les vacances, les touristes arrivent pour découvrir des sites sinistrés et nauséabonds. Les habitants font ce qu'ils peuvent pour en venir à bout sans grand résultat. Explications.
Article rédigé par Frédérique Harrus
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Playa Del Carmen, sur la Riviera Maya (Mexique). (GARDEL BERTRAND / HEMIS.FR)

Ils en ont rêvé toute l'année. Leur agence de voyage est restée très discrète sur le sujet, mais quelle ne fut pas la (très mauvaise) surprise de beaucoup de touristes en arrivant sur leur lieu de vacances sur la côte est du Mexique! Alors que cette côte orientale, aussi appelée la «Riviera Maya», est réputée pour ses plages de sable blanc, baignées d'eau turquoise, l'arrivée est un véritable choc. 

 

Playa del Carmen


En effet, depuis quelques mois, des tonnes d'algues s'échouent quotidiennement sur le sable. Les habitants, plutôt inquiets des conséquences économiques et sanitaires de cette invasion, tels Sysiphe, les ramassent autant qu'ils peuvent, mais il y en a trop et l'effort même s'il est louable est totalement vain.

Juillet 2015. Playa del Carmen (Mexique). Plage recouverte par les algues échouées et en putréfaction. (Christine Bravo)


Elles flottent entre deux eaux et une fois échouées, dans le meilleur des cas, elles sèchent, sinon elles fermentent et pourrissent, ce qui est à l'origine de l'odeur absolument épouvantable qui empêche les personnes de rester à proximité très longtemps. Des puces de sable s'y développent et provoqueraient d'importantes réactions allergiques chez certains enfants. 

Autres victimes de ces algues envahissantes, les tortues marines qui viennent pondre sur les plages la nuit. La couverture engendrée par les algues sèches agglomérées empêche la ponte et rend difficile, voire impossible dans certains cas, l'émergence de bébés tortues sur les plages. Emmêlées dans les amas d'algues les tortues n'arrivent plus à rejoindre la mer après la ponte, et là encore, les habitants tentent de leur venir en aide en les remettant à la mer. De plus, inhalé, le gaz dégagé par les algues en décomposition, le sulfure d'hydrogène (H2S), est toxique à partir de certaines concentrations et durée d'exposition. Les habitants sont totalement désemparés de voir des animaux de 150 kg mourir devant eux épuisés et à moitié asphyxiés. Ces dégagements gazeux sont tout aussi nocifs pour l'homme, mais l'odeur est suffisament gênante pour qu'il ne reste pas indéfiniment dans cet air vicié.

Juillet 2015. Plage ravagée par les algues sargasses.  (Christine Bravo)


Pendant longtemps on a cru que les sargasses venaient uniquement de la mer du même nom. Franck Mazéas, qui travaille à la Direction de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DEAL), est l'auteur d'un rapport sur l'invasion des algues sargasses pour les Antilles et revient sur leur origine, fonctionnement et toxicité. Il semblerait qu'en réalité, elles viennent aussi du nord du Brésil et de Guyane. Il ajoute : «Il est donc identifié qu’une nouvelle zone d’accumulation des sargasses est localisée au nord-est du Brésil ; cette zone que l’on pourrait qualifier de "petite mer des Sargasses" constitue un réservoir d’algues.» 

Par ailleurs, Franck Mazéas ajoute dans sa note que «cette petite mer des Sargasses» se situe dans une zone où les algues peuvent trouver de quoi se «nourrir». «Ces nutriments proviennent du fleuve Congo (en Afrique), de l'Amazone, des upwellings équatoriaux (remontées d'eaux froides du fond) et des poussières de sables du Sahara riches en fer et phosphates», écrit le scientifique de la DEAL. Ainsi, lorsque les sargasses portées par le courant des Caraïbes traversent la zone de l'Amazone, les fortes quantités de nutriments, transportées par ce fleuve, et rejetées en mer, «nourrissent» les algues qui se développent de manière exponentielle avant d'arriver sur nos côtes (antillaises NDLR), acheminées par le courant des Antilles. 

L'accumulation d'algues se situe dans les gyres, ces sortes de tourbillons géants où convergent les courants et où s'agglomère tout ce qui est transporté par les courants marins, algues, mais aussi détritus divers. Il y a cinq gyres dans les mers et océans du globe, où on retrouve, entre autres, les fameux «continents de plastiques». Les sargasses s'y trouvent aussi.

Comme le Mexique, les Antilles doivent y faire face et se plaignent de ces échouements massifs d'algues. Mais à y réfléchir à tête reposée, en dehors du stress de ces marées marron, il existe un certain de nombre de débouchés pour ces algues une fois récoltées et transformées, qui pourrait se révéler très lucratif, et donc finalement devenir une aubaine.

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