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Pourquoi Obama snobe Poutine

Les relations entre les Etats-Unis et la Russie se sont détériorées depuis que Moscou a accordé l'asile au fugitif américain Edward Snowden.

Article rédigé par franceinfo
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Le président américain, Barack Obama (g.), et le président russe, Vladimir Poutine, lors d'une rencontre en Irlande du Nord, le 17 juin 2013. (EVAN VUCCI / AP / SIPA)

"Les relations bilatérales avec la Russie n'ont pas enregistré assez de progrès récents pour qu'un sommet russo-américain se déroule début septembre." Mercredi 7 août, la déclaration de Washington annulant le très attendu tête-à-tête Obama-Poutine, initialement prévu pour septembre, n'a pas surpris grand monde. En premier lieu le Kremlin, qui s'est pourtant dit "déçu" de cette décision. Francetv info vous explique pourquoi Obama a décidé de snober Poutine.

Le différend de trop : l'affaire Snowden

Mardi soir, invité sur NBC, le président américain avait confirmé qu'il se rendrait au sommet du G20, programmé les 5 et 6 septembre à Saint-Pétersbourg (Russie). Mais il avait soigneusement évité d'évoquer la possibilité d'un tête-à-tête avec son homologue russe. Barack Obama s'était contenté de se dire "déçu" de l'asile temporaire accordé par Moscou à Edward Snowden, à l'origine des révélations sur les programmes de surveillance du renseignement américain.

Pour Washington, le refus des Russes d'extrader Snowden est un camouflet. "La pression était très forte à Washington, au Congrès et dans la presse, pour demander à Obama de ne pas tendre la joue aux Russes, après la 'gifle' infligée par Poutine", écrit la correspondante de Libération dans la capitale américaine. "De son côté, en accordant l'asile à Snowden, Vladimir Poutine a clairement montré que ce sommet n'était pas sa priorité", analyse Angela Stent, chercheuse à l'université de Georgetown, interrogée par le quotidien.

Les circonstances : le très désagréable Vladimir Poutine

Depuis le retour de Vladimir Poutine à la tête de l'Etat, ses relations avec Barack Obama sont exécrables. Poutine avait refusé de se rendre à Camp David pour un G8, en mai 2012. Au centre de la discorde : le bouclier anti-missile, la Syrie et le nucléaire iranien. Déjà.

Les deux hommes se sont vus depuis à Belfast en juin, en marge d'un autre G8. Mais la rencontre n'avait pas été chaleureuse. Comme le rappelle Le Figaro, à "Obama s'efforçant de briser la glace en ironisant sur les effets de l'âge en matière de performances sportives, le maître du Kremlin avait répondu dans un grincement : 'Vous essayez de me faire sourire pour détendre l'atmosphère'".

Une image qui ne nuit pas au président russe dans son pays. Selon un sondage de mai 2012, 56% des Russes sont satisfaits que Poutine ait succédé à Medvedev et 72% soutiennent sa politique. "Un niveau de soutien public dont Obama ne peut que rêver", remarque le magazine Foreign Policy (article payant, en anglais). Quelque 57% des Russes estiment de plus qu'avoir un leader fort est plus important que la démocratie.

Le fond de l'affaire : peu de sujets de discussion

Mais l'affaire Snowden et l'attitude peu conciliante du président russe ne sont pas seules en cause. Depuis le retour de Vladimir Poutine, les relations américano-russes ne cessent de se dégrader. A tel point qu'au cœur de l'hiver 2012, un grand vent froid a soufflé entre les deux capitales, alimenté par l'affaire Magnitski. Cet avocat fiscaliste, qui travaillait dans un cabinet américain et avait porté plainte pour dénoncer une vaste opération de fraude, est mort roué de coups dans une prison russe. En réaction, Washington a interdit de visa des responsables russes impliqués dans le décès du juriste, ainsi que toute personne responsable de graves violations de droits de l'homme. Moscou n'a pas tardé à répliquer en interdisant aux Américains l'adoption d'enfants russes.

A l'image de l'affaire Magnitski, les sujets de discorde ne manquent pas. En rencontrant Barack Obama, Vladimir Poutine risque de se faire houspiller sur son soutien indéfectible au régime de Bachar Al-Assad, l'extradition d'Edward Snowden, les droits des homosexuels, le contrôle des armes... Bref, le président russe n'a pas grand chose à gagner. Ou plutôt, comme l'analyse Foreign Policy"ce que Poutine pourrait vouloir d'Obama, il l'a déjà obtenu : un droit de veto de facto sur la politique américaine, de la Syrie à la défense antimissile, et la passivité face à l'attitude autoritaire de la Russie".

Côté américain, "comme tous les présidents américains, à l'exception de Ronald Reagan, Barack Obama ne comprenait rien à la Russie à son arrivée au pouvoir et il a d'abord tenté de tendre la main. Maintenant, sans doute, il commence à comprendre qu'il n'arrivera à rien de de cette façon. Ce qu'il peut faire c'est arrêter de renforcer le régime : cesser de le traiter comme un interlocuteur privilégié, cesser de renforcer son prestige", juge le chercheur Johns Hopkins cité par Libération. Le sénateur démocrate Chuck Schumer, interrogé sur CNN (vidéo en anglais), a estimé que Barack Obama avait "pris la bonne décision. Le président Poutine se comporte comme un petit caïd dans une cour d'école et ne mérite pas le respect qu'un sommet bilatéral lui aurait apporté".

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