"Vous n'imaginez pas la puissance des délinquants ici" : en plein état d'urgence en Équateur, les habitants de la plus grande ville du pays vivent dans la peur
"Beaucoup préfèrent rester à la maison" : comme de nombreux habitants de Guayaquil, Francisco Loor Cordero, 25 ans, n'est pas allé travailler depuis deux jours. Avec des milliers de militaires déployés dans tout l'Equateur, le gouvernement poursuit son offensive musclée contre les bandes criminelles liées au narcotrafic qui terrorisent le pays depuis quatre jours, et recevra l'appui des Etats-Unis pour "travailler ensemble". La vague de violences que traverse le pays a pour origine l'évasion dimanche de la prison de Guayaquil du redouté chef du gang des Choneros Adolfo Macias, alias "Fito", suivie de mutineries dans les prisons, de prises d'otages et d'attaques à l'explosif.
Malgré les renforts conséquents de l'armée dans les rues, la crainte d'une flambée de violence est dans toutes les têtes. Dans le cas de Francisco Loor Cordero, ce serveur dans un restaurant, c'est son employeur lui-même qui l'a dispensé, à cause du chaos sécuritaire. "Les autorités ont recommandé de ne pas sortir, sauf nécessité. On ne peut pas décider comme ça d'aller au cinéma ou au restaurant par peur qu'il nous arrive quelque chose et qu'on ne rentre jamais", raconte-t-il.
Commerces fermés, rues désertes... Plus de 22.400 militaires déployés, avec des patrouilles terrestres, aériennes et maritimes, des perquisitions et des opérations à tout va dans les prisons: le gouvernement du nouveau président Daniel Noboa ne semble pas disposé à céder aux tentatives d'intimidation des gangs criminels, après les scènes de violences de ces derniers jours et notamment la prise d'otages en direct à la télévision mardi 9 janvier.
Mais le rapport de force reste inégal, selon Francisco. "Vous n'imaginez pas la puissance des délinquants ici. Ils ont des maisons, des propriétés, des armes, des gros calibres", alerte le jeune homme.
"Ils ont de meilleures armes que la police"
Francisco Loor Cordero, restaurateur à Guayaquilà franceinfo
Le président Noboa, 36 ans, a apporté une réponse musclée. Lundi, il a décrété l'état d'urgence pour 60 jours sur tout le territoire, y compris dans les prisons, devenues des centres d'opération pour les narcos. Élu à l'automne sur la promesse de rétablir la sécurité dans le pays autrefois havre de paix mais devenu centre d'expédition de la cocaïne produite chez les voisins colombien et péruvien, il a ensuite estimé le pays être "en état de guerre" et appelé à "la mobilisation".
La violence s'est accrue depuis trois ans, selon Solène Haillard, à la tête de l'Alliance française de Guayaquil. "Suite au démantèlement des Farc en Colombie, tout s'est transféré sur l'Équateur. Les anciens groupes armés de Colombie ont le champ ouvert aux gangs équatoriens qui ont pris beaucoup plus de force et qui se sont étendus", explique-t-elle. Au cours des cinq dernières années, le taux d'homicides pour 100 000 habitants dans le pays est passé de 6 à 46 en 2023. Le Quai d'Orsay déconseille aux Français tout déplacement en Equateur.
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