: Reportage Argentine : sans le président Javier Milei, Emmanuel Macron rendra seul un hommage aux victimes françaises de la dictature militaire
Lors du débat présidentiel il y a un an, Javier Milei exprimait déjà ses pensées révisionnistes de la dictature en Argentine. "Pour nous, dans les années 1970, il y a eu une guerre. Et pendant cette guerre, les forces de l’État ont commis quelques excès. Enfin, il n’y a pas eu 30 000 disparus mais 8 753", avait minimisé en octobre 2023 le futur président argentin. Emmanuel Macron, qui est arrivé samedi en Argentine à l'occasion d'une tournée de plusieurs jours en Amérique du Sud, se rendra donc seul à un hommage aux victimes françaises de la dictature militaire (entre 1976 et 1983).
Le président déposera une gerbe dans une église de Buenos Aires, où deux religieuses françaises ont été séquestrées en 1977 après l’infiltration dans la paroisse du militaire Alfredo Astiz, aujourd’hui en prison pour crimes contre l’humanité. Une manière de se différencier du gouvernement argentin qui, lui, défend ouvertement les pratiques du régime militaire.
Les disparus sont les personnes enlevées par les militaires, torturées dans des centres clandestins puis tuées. Le chiffre de 30 000 est gravé dans la mémoire des Argentins et dans le marbre des monuments aux morts. Mais l’extrême-droite argentine rejette cette vision du passé. "Les procès contre les militaires sont vus comme une stigmatisation ou une revanche contre l’armée, le travail d’ouverture des archives militaires est perçu comme une vengeance et une intromission", explique Marcela Perelman, directrice de recherche au CELS, le centre d’études légales et sociales.
"Les politiques des droits de l'homme sont vues comme une fraude. Face à ça, le gouvernement a une attitude, qui se répète d'ailleurs avec les féministes par exemple, qui est d’attaquer les acteurs de ces mouvements, pour pouvoir ensuite démanteler ce secteur et ses politiques publiques."
Marcela Perelman, directrice de recherche au CELSà franceinfo
Le couple Macron sera toutefois seul pour l'hommage aux 18 victimes françaises. Ni le président d'extrême-droite, ni ses représentants, dont certains affichent leur soutien aux anciens tortionnaires emprisonnés, ne seront présents.
Un geste contre le négationnisme attendu
Le geste du président français est toutefois attendu et apprécié des militants des droits de l’homme. "Milei, et surtout sa vice-présidente Villaruel, ont manifestement eu une posture d’appui aux génocidaires, elle les a visités en prison et on a eu un regain du négationnisme, dénonce Rosalia Argüelles Biscayart, dont les trois frères français ont disparu pendant la dictature. À l’entrée de l’ambassade française, se trouve le portrait des disparus français parmi lesquels se trouvent mes frères. Mais il faut passer du symbolique à quelque chose de plus tangible. Donc un geste de la part de M. Macron, ce sera très bien venu".
Un geste fort, perçu comme une démarcation idéologique par rapport à Milei et surtout comme un message contre l’impunité des militaires et le négationnisme.
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