Azerbaïdjan : l'eldorado du clan Aliev
Favorisé par la montée du prix du baril de pétrole, Bakou a commencé d'importants investissements en Europe. Cette volonté de puissance masque l'autoritarisme des dirigeants et nuit à un développement à long terme.
Le président Ilham Aliev, qui a succédé en 2003 à son père Heydar, a été réélu en 2010 lors d'élections entachées d'"irrégularités", selon l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE). En raison de pressions sur les journalistes et de la privation de moyens d'expression pour les opposants, les électeurs sont privés de leurs droits démocratiques. "Le pays doit faire beaucoup plus pour développer une véritable démocratie pluraliste", a souligné Wolfgang Grossruck, qui a mené la mission, de l'OSCE dans le pays.
De son côté, Human Rights Watch met l'accent sur les lois de diffamation criminelle qui posent un risque inapproprié de paralyser la liberté d'expression et devraient ête abolies.
La manne du pétrole et les grandes ambitions de Bakou
La capitale Bakou a rattrapé les standards des villes modernes avec de larges avenues, des buildings et des magasins de luxe. Une transformation due à la croissance annuelle moyenne de 21% entre 2004 et 2010. Celle-ci est assurée par le pétrole et le gaz qui représentent 75% des exportations du pays.
Afin de pérenniser l'expansion économique, les autorités azerbaïdjanaises ont choisi d’investir massivement en Suisse. Ceci pour devenir un acteur incontournable du pétrole, en contrôlant toute la chaîne depuis la production jusqu'à la consommation de l'or noir. Une société basée à Genève, Socar Trading, dépendant directement du président Aliev, est le centre stratégique de cette politique.
Spécialisée à ses débuts dans les échanges commerciaux du pétrole, cette entreprise vient de racheter les stations services Esso qu'elle transforme en luxueux endroits de repos -peints tout en blanc- pour les automobilistes. Grâce aux champs de pétrole, au transport, au raffinage et aux approvisionnement à la pompe, Socar a mis en place tous les outils pour assurer son hégémonie sur le secteur en Géorgie, Ukraine, Roumanie, Turquie et Suisse. Prochain objectif: la Méditerranée avec l'Italie comme premier maillon.
Face à la montée en puissance du conglomérat du Causase du sud, les Suisses, pragmatiques, ont choisi la voie du resserrement des liens. A leur tour, ils exportent avec succès en Azerbaïdjan notamment dans le luxe et le ciment. D’autres pays européens font également le chemin de Bakou, qui détient, d'autre part, la clé pour le passage des oléoducs nécessaires à l'arrivée du pétrole dans les pays européens. L'oléoduc Bakou-Tbilissi-Ceyhan (en Turquie) a été construit en 2005 alors que le projet Nabuco, soutenu par l'UE a peu de chance de voir le jour après un accord russo-turc pour le passage de l'oléoduc South Stream sous les eaux territoriales turcs.
Les violations des droits de l'homme en discussion à Varsovie
(OBYEKTIV.TV, le 28/09/2011)
La corruption, un frein au développement ?
Tout semble réussir au clan Aliev, pourtant le versant noir du système c'est le mode de gouvernement archaÏque et tyrannique. Selon Transparency International, l’Azerbaïdjan pointe en 143e position sur 182 pays en ce qui concerne la corruption. Un câble américain datant de janvier 2010, publié par Wikileaks indique : "L’Azerbaïdjan fonctionne aujourd’hui comme l’Europe au Moyen Age : un petit nombre de familles,,, toutes reliées entre elles, contrôlent des régions entières du pays et des pans complets de l’économie nationale". Certains observateurs doutent de la réussite à long terme de Socar, en raison de son management à la verticale sur le modèle soviétique où il n'y a que quelques personnes qui prennent des décisions.
Opposition muselée, medias sous contrôle, blogueurs activistes condamnés, c’est ce qu’estime le journaliste Igor Fiatti. Malgré les 30 milliards annuels de revenus du pétrole, le pays reste globalement pauvre. Selon Ilham Shaban, directeur du Centre sur le pétrole à Bakou, "70.000 personnes dans la région de la capitale n’ont toujours pas le gaz à la maison, et dans de nombreuses zones rurales, il n’y a pas d’eau".
Autre dossier sensible, celui du Haut-Karabagh, territoire conquis à l’issue d’une guerre en 1988-1994 par l’Arménie. Bakou attend un soutien de ses partenaires commerciaux, espérant recouvrer ses anciennes frontières.
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