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Khmers rouges : qui sont les deux anciens dirigeants condamnés pour crimes contre l'humanité ?

L'idéologue du régime, Nuon Chea, et le chef de l'Etat du "Kampuchéa démocratique", Khieu Samphân, ont été condamnés à la prison à perpétuité.

Article rédigé par franceinfo avec AFP
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L'ancien chef de l'Etat du "Kampuchéa démocratique" Khieu Samphân au procès des dirigeants khmers rouges à Phnom Penh (Cambodge), le 30 juillet 2014. (NHET SOK HENG / ECCC / AFP)

Leur régime a conduit à la mort près de deux millions de personnes au Cambodge entre 1975 et 1979. Les deux plus hauts dirigeants khmers rouges encore vivants ont été condamnés, jeudi 7 août, à la prison à vie pour crimes contre l'humanité par le tribunal de Phnom Penh, parrainé par l'ONU. Ils ont annoncé leur décision de faire appel.

Cette condamnation de l'idéologue du régime Nuon Chea, 88 ans, et du chef de l'Etat du "Kampuchéa démocratique", Khieu Samphân, 83 ans, est le premier verdict emblématique contre ce régime. "Etant donné la gravité des crimes pour lesquels ils ont été condamnés, (...) Nuon Chea et Khieu Samphân resteront en prison jusqu'à ce que le jugement soit définitif", a précisé le juge Nil Nonn.

Khieu Samphân, "naïf" chef de l'Etat

Khieu Samphân était chef de l'Etat lorsque les Khmers rouges étaient au pouvoir. Un titre qui ne l'a pas empêché de se présenter comme un dirigeant symbolique, "naïf" et exclu des cercles rapprochés du régime de Pol Pot. Poursuivi pour génocide, crimes contre l'humanité et crimes de guerre, Khieu Samphân n'a jamais esquissé l'ombre d'une explication, encore moins d'un aveu. "J'ai l'impression que vous voulez vraiment voir ma tête sur le billot. La réalité, c'est que je n'avais aucun pouvoir, ce qui m'allait très bien", avait-il juré fin 2013.

Khieu Samphân était devenu chef de l'Etat presque malgré lui, en 1976, après la démission du prince Norodom Sihanouk. Au nom d'une utopie marxiste, le régime vide les villes au profit des campagnes, impose le travail forcé et élimine les opposants, les intellectuels, causant la mort d'un quart de la population. Des exactions dont Khieu Samphân assure avoir ignoré l'existence : "Je passais ma vie confiné dans l'annexe du quartier général des leaders khmers rouges." 

Qualifiant sa fonction de "largement honorifique", le dirigeant avait même demandé à ses compatriotes de "bien vouloir pardonner" sa "naïveté". Pourtant, selon des chercheurs, des documents suggèrent qu'il a eu "connaissance des atrocités, et qu'il a personnellement contribué à ces crimes en faisant des déclarations publiques" en leur faveur.

Nuon Chea, idéologue impénitent du régime

Arrogant, provocateur, impénitent, Nuon Chea, idéologue des Khmers rouges, a lui aussi affirmé n'avoir joué aucun rôle dans les atrocités d'un régime. Au dernier jour du premier procès fin 2013, il a certes reconnu une certaine "responsabilité morale" et exprimé de "profonds remords", mais il a dans le même temps réclamé l'acquittement, assurant n'avoir "ordonné aucun crime". Les procureurs, eux, ont au contraire souligné le rôle "primordial" joué par Nuon Chea pendant la dictature.

Numéro deux du commandement militaire des Khmers rouges de 1970 à 1975, il était aussi son commissaire politique en chef, chargé à partir de leur prise de pouvoir en 1975 de traquer les ennemis de la révolution. Considéré comme la personnalité la plus secrète de la hiérarchie, il apparaît alors, d'après les documents que laissera le régime à sa chute, "au cœur du système de purge", selon un chercheur.

Dans un documentaire sorti en 2009, Nuon Chea avait lui-même raconté calmement pourquoi les Khmers rouges avaient exécuté les "criminels" impossibles à "rééduquer". "Ils ont été tués et détruits. Si nous les avions laissés vivre, la ligne du parti aurait été détournée. Ils étaient des ennemis du peuple." Une confession d'un sang-froid effrayant, diffusée lors du procès en 2011, devant un Nuon Chea impassible.

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