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Cambodge: l'industrie textile entre hausses de salaires et concurrence birmane

Les ouvriers du textile au Cambodge entrent de nouveau dans un bras de fer pour obtenir des augmentations de salaires. Le 21 décembre 2015, une manifestation à la frontière vietnamienne a tourné court, la police dispersant la foule à coups de canons à eau. Si l'industrie de la confection est confronté à des mouvements sociaux, elle doit aussi faire face à la concurrence de la Birmanie.
Article rédigé par Catherine Le Brech
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 3min
Dans la province de Svay Rieng, au Cambodge, le 21 décembre 2015: ces ouvriers du textile ont été arrêtés par la police après qu'ils eurent participé à une manifestation devant leur usine. Ils demandaient une revalorisation de leurs salaires. (AFP PHOTO)

Il aura fallu plusieurs jours de négociations entre les syndicats, le patronat et le gouvernement pour que le salaire minimum des ouvriers de l'industrie du textile et de la confection de chaussures soit augmenté. Le 8 octobre 2015, il a été officiellement fixé à 140 dollars (124 euros) par mois à partir du 1er janvier 2016 (en hausse de 9,4%), contre 128 dollars en 2015. Une augmentation conséquente (40% de plus qu'en 2014) qui reste cependant bien en-deçà de ce que réclamaient (160 dollars) les syndicats de ce secteur clef pour l'économie du Cambodge. Les ouvriers du textile font de plus en plus souvent entendre leurs voix bien que leurs manifestations soient violemment réprimées, comme Géopolis l'a évoqué en 2014.

L'industrie du textile au Cambodge emploie 700.000 ouvriers qui fabriquent des vêtements pour des marques comme Gap, Nike et le géant du prêt-à-porter suédois Hennes et Mauritz (H&M). Ce dernier a signé début novembre 2015 un accord conçu avec les fédérations syndicales internationale IndustriALL et suédoise IF Metall, concernant 1.900 usines «dans des pays comme le Cambodge, le Bangladesh, la Birmanie et la Turquie». Le texte promet des garanties sociales à 1,6 million d'ouvriers dans des usines textiles où il se fournit.

Des travailleurs cambodgiens de l'industrie textile se tiennent devant des fonctionnaires de police lors d'une manifestation en face d'une usine dans la province de Svay Rieng, le 21 décembre 2015.  (AFP/STR)

Dans l'accord, figurent le droit de se syndiquer, de refuser de travailler dans des conditions dangereuses, la négociation salariale collective, ou encore la lutte contre la discrimination envers les représentants syndicaux... Et ce n'est pas rien. L'industrie textile mondiale, concentrée en Asie, est souvent dénoncée par des ONG comme un secteur peu regardant sur les droits fondamentaux de ses travailleurs, des femmes aux deux tiers.

Dans son dernier rapport de mars 2015, HWR estime que le gouvernement cambodgien omet «de protéger contre de graves violations du droit du travail les travailleuses et travailleurs participant à la production de vêtements pour le compte de compagnies internationales.»

La Birmanie, le nouvel eldorado 
Si en matière de sécurité, le secteur connaît quelques avancées, il est confronté à une autre problématique au Cambodge: l'industrie du textile locale est concurrencée par la Birmanie où cette activité se développe à grande vitesse. Dans ce pays qui s'ouvre depuis quelques années, le gouvernement a mis en place un salaire minimum journalier de 3.600 kyats (2,40 euros). 


Le nombre des ouvriers du textile birmans est officiellement évalué à 300.000, contre 140.000 en 2013. Selon les données de 2014 de l'Association des industriels du textile de Birmanie, le secteur représente 14% des exportations globales de Birmanie. Un chiffre qui devrait encore grimper en 2015, affirme l'association, selon qui 70% des emplois industriels à Rangoun, la capitale économique, en sont issus. 

Pourtant, certains patrons d'ateliers assurent ne pas pouvoir payer le salaire officiel imposé. Les syndicats birmans dénoncent 1.000 licenciements depuis l'imposition du salaire minimum le 1er septembre. Certains employeurs ont ainsi cessé de payer les heures supplémentaires ou les frais de transport, afin de compenser la contrainte, selon le journal officiel New Light of Myanmar.

Comme quoi, la régulation ne fait pas que des heureux, ni au Cambodge, ni au Myanmar, où les syndicats en sont encore à leurs balbutiements.

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