Corée du Sud : les jeunes contre un système éducatif concurrentiel à outrance
Le roman national sud-coréen se nourrit du mythe de son système d’éducation. Depuis la fondation de la République en 1948, après quarante ans d’occupation nippone, l’Etat met les bouchées doubles pour former sa population. Dans un ambitieux élan de modernisation, les bases du système actuel sont posées : la gratuité et la « testocratie ». En clair, la réussite à de multiples examens, plus difficiles les uns que les autres, conditionne l’accès aux différentes filières qu’elles soient prestigieuses ou pas (écoles vocationnelles).
Les parents poussent donc leurs petits à s’enfermer à l’école et à la bibliothèque dès le plus jeune âge dans le but d’être admis dans les meilleurs lycées, voies royales aux meilleures universités de Séoul. C'est dans ces établissements de prestige que les grands groupes viendront chercher leurs employés modèles.
Sans diplôme, point de salut
Le diplôme des jeunes Coréens conditionne également leur classement dans l’échelle sociale et sentimentale. Même avec un compte en banque bien garni, point de salut sans un diplôme. Problème : pour en arriver là, la plupart des étudiants seront passés par les cases surmenage et dépression. Les cas de suicide ne sont pas rares tant la pression est grande.
Les aînés comptent sur les plus jeunes pour garantir leurs vieux jours. D’autant qu’une espèce de dette tacite a été contractée : «Nous nous sommes sacrifiés pour que tu ailles dans les meilleures écoles, maintenant c’est à toi de t’occuper de nous ».
Tant que les études garantissent un job chez Samsung ou dans l’Administration, les jeunes courbent l’échine en acceptant les règles du brutal jeu de la concurrence qui ont façonné la Corée dynamique et conquérante d’aujourd’hui. Mais pour combien de temps ? Les offres d’emploi les plus convoitées par les cols blancs se font rares. Les raisons :
Ces filières sont saturées. Les métiers techniques et artisanaux étant mal vus, les parents en éloignent leurs enfants dont les envies personnelles sont passées à la trappe. Et la crise économique mondiale s'est fait sentir en ralentissant quelque peu la croissance du pays.
Des sacrifices sans récompense
D'une manière générale, les énormes efforts consentis durant toute la scolarité ne sont pas récompensés. Alors, une fois que les jeunes quittent les bancs de l’université, la déception est grande : en 2011, le taux de chômage chez les moins de 30 ans frôlait les 20%.
Pour des jeunes qui ont dû débourser environ 5.000 euros par an dans les établissements publics et 9.000 euros par an dans le privé, l’entrée dans la vie active est tout sauf sereine. Ils se rendent compte également que le marché du travail évolue tellement vite que même s'ils sont diplômés des meilleures écoles, leur formation ne correspond plus à ce que les employeurs recherchent.
Des frais universitaires en hausse
Au cours de l’été 2011, les étudiants de Séoul ont manifesté contre la hausse des frais de scolarité qu’ils jugent déjà élevés. Depuis 1990, ils ont augmenté de 10% tous les ans. Ils protestaient surtout contre la décision du président Lee Myung-back de revenir sur l'une de ses promesses de campagne : diviser le montant de ces frais par deux. Les étudiants se sont même mobilisés dans la prestigieuse Université nationale de Séoul : «Tu dois bûcher pendant 17 heures par jour pour intégrer un bon établissement et après on t’augmente les frais de scolarité», protestait l'un d'entr eux.
Les jeunes manifestaient également contre les inégalités créées par le système. Bien que le gouvernement le nie, ce sont les plus favorisés qui réussissent à décrocher les meilleurs diplômes. L’école est certes gratuite, mais pour réussir les fameux examens, il est convenu que des cours supplémentaires onéreux sont indispensables. D'après la Korea students aids foundation, 40% des étudiants inscrits dans les universités les plus cotées sont issus des milieux privilégiés.
Le pouvoir face aux critiques
Pour apaiser les esprits, le président coréen avait promis d’allouer plus de fonds à l’éducation publique sans pour autant réitérer sa promesse de diminution des frais. Le même président Lee qui avait renforcé ce système concurrentiel pour muscler sa compétitivité. Il a tout de même fait quelques concessions en accordant plus de temps libre aux enfants.
La fraîchement élue présidente de la Corée du Sud, Park Geun-hye, a fait la même promesse que son prédécesseur pendant la campagne électorale. Reste à savoir ce qu'elle fera une fois réellement installée aux commandes.
Exit les bibliothèques, bonjour les fournaux
Certains Coréens vont déjà à contre-courant et n'attendent pas une révolution dans le secteur éducatif. C'est le cas de Koo Woonmo, qui a pris avec plaisir la voie des écoles dites « vocationnelles », que la plupart des étudiants fuient. Il veut être chef cuisinier et s’emploie à maîtriser l’art de la nouille plutôt que de passer 14 heures à apprendre des formules mathématiques, raconte la BBC. Selon les professeurs de cette école, ce sera la nouvelle tendance. "La fièvre de l’éducation", comme les Coréens désignent ce phénomène, pourrait ainsi baisser de quelques degrés.
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