Oui, il existe bien sur la Terre une île habitée que personne ne parvient à approcher
Une tribu autochtone refait surface dans l'actualité, à la faveur de blagues postées par des internautes au sujet de l'île qu'ils habitent. Mais que sait-on exactement de ces Sentinelles, qui vivent au beau milieu du golfe du Bengale ?
Ils vivent sur cet îlot de 72 km² depuis des milliers d'années, mais rares sont les étrangers à les avoir salués de près. Les Sentinelles, tribu autochtone habitant la petite île de North Sentinel, située dans l'océan Indien, sont l'une des populations les plus isolées au monde. Leur mode de vie n'a presque pas évolué depuis soixante mille ans, époque supposée de leur arrivée sur ces terres.
Leur histoire, très peu connue (et à laquelle certains ont même du mal à croire !), refait surface ces derniers jours, à la faveur d'un article du Daily Mail (en anglais) publié mi-juillet : des internautes se sont amusés à commenter la page Google+ de l'île, comme s'ils y avaient passé leurs vacances… Une expédition totalement improbable, au vu de l'hostilité des Sentinelles, et de la relative protection dont ils jouissent. Mais, au fait, que sait-on vraiment de ces mystérieux humains ?
400 habitants au maximum
North Sentinel dépend des îles Andaman et Nicobar, un archipel proche des côtes birmanes, administrativement rattaché à l'Inde depuis la colonisation britannique. La population globale des Sentinelles ne dépasserait pas 400 personnes. La couleur très foncée de leur peau et les traits de leur visage laissent penser qu'ils sont originaires d'Afrique, et non d'Asie.
De leurs us et coutumes, on ne sait presque rien, sinon qu'ils se nourrissent essentiellement de poissons et de tortues. Ils ne disposent ni de chef ni de sorcier, et, d'une manière générale, leur structure sociale ne répond à aucune organisation précise, d'après les observateurs. "Ils vivent comme il y a quinze mille ans", résume The Independent, qui leur consacrait un bel article en 1993. Rien ou presque n'a changé depuis.
Le peu d'informations dont la civilisation moderne dispose au sujet des femmes et des hommes qui habitent ce caillou boisé provient de quelques expéditions anthropologiques, et notamment celle de Trilokinath Pandit, dont le journal britannique se fait l'écho. Cet universitaire indien a commencé à approcher les Sentinelles dans les années 1960, avant d'entrer en communication directe avec eux au début des années 1990.
Des lances et des flèches pour accueillir les visiteurs
Les Sentinelles ont la réputation d'attaquer toutes les personnes qui tenteraient de débarquer sur leur île. Trilokinath Pandit raconte comment des dizaines d'indigènes ont effectivement tenté de tuer son équipe, à grands renforts de lances et de flèches, les premières fois qu'il s'est approché de leur rivage. L'anthropologue ne se décourage pas et réitère ses approches, parfois espacées de plusieurs années, qui finiront par porter leurs fruits.
Les premiers cadeaux offerts par les chercheurs pour créer des liens sont diversement appréciés. Si les noix de coco, qui ne poussent pas sur l'île, sont soigneusement stockées, de même que les objets en cuivre, le cochon est lui tué à même la plage, et enterré sans avoir été consommé. Une preuve symbolique de leur hostilité. La scène a été filmée, et peut être vue dans ce documentaire (vers 1h20).
Au fil des ans, les relations s'apaisent, et Trilokinath Pandit est enfin autorisé à jeter l'ancre. La première visite terrestre a lieu en 1991. "On ne sait pas pourquoi, soudain, ils ont décidé de baisser les armes", explique le chercheur. L'équipe doit se dévêtir et ses membres, ôter leurs lunettes, pour avoir le droit de visiter leur habitat. Contrairement aux légendes qui circulent à leur sujet, l'expédition découvre que ses hôtes ne sont pas cannibales. Depuis, le nombre de contacts entre cette population pré-néolithique et l'homme d'aujourd'hui se compterait sur les doigts de la main.
Une île redécouverte en 2004 après le tsunami
La relation cordiale établie avec Trilokinath Pandit n'empêche pas les Sentinelles de repousser d'autres visiteurs intrusifs : deux pêcheurs en ont fait les frais en 2006, tués par des autochtones après avoir jeté l'ancre, apparemment avinés, sur les côtes de North Sentinel, comme le raconte Survival France. Selon l'association, le braconnage opéré par certains pêcheurs indiens et birmans est la principale source de danger qui guette cette population, dont le système immunitaire est particulièrement vulnérable aux maladies.
Bien que les autorités indiennes reconnaissent le droit aux habitants de l'île de ne pas être importunés par la civilisation moderne, cette terre flotte dans un no man's land juridique assez inédit, et qui la fragilise : moitié territoire autonome, moitié territoire placé sous l'autorité de l'Inde… Ainsi, Survival France "exhorte l’administration des îles Andaman à appliquer strictement sa politique de cessation de tout contact avec les Sentinelles et à mettre un terme au braconnage autour de leur île".
La crainte d'une extinction des Sentinelles a également ressurgi en 2004, avec le tsunami qui a frappé l'océan Indien. Les autorités de l'archipel assurent que la tribu a été sauvée grâce à "sa connaissance ancestrale des signes fournis par le vent et la mer". Une photo marque alors les esprits, celle de deux Sentinelles en train de viser l'hélicoptère des garde-côtes indiens venus leur apporter du secours.
Sans le savoir, la tribu est intimement liée à un autre fait d'actualité tragique : la disparition du vol de la Malaysia Airlines MH370. De par son emplacement dans le golfe du Bengale, au nord-ouest de la Malaisie, l'île North Sentinel a été survolée par de nombreux avions de recherche. Une photo satellite montrant une bande de fumée s'échappant de l'île a conduit certains à imaginer que l'avion aurait pu s'écraser à cet endroit… Les autorités ont dû démentir publiquement cette information.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.