Philippines: valse-hésitation du président Duterte face à la guérilla communiste
Adepte de la manière forte pour lutter contre la criminalité et le trafic de drogue, le nouveau président philippin, Rodrigo Duterte, semblait sur le point de régler diplomatiquement un conflit vieux de 50 ans. En vain. Malgré un rapprochement prometteur avec la guérilla communiste, opposée de longue date à l'État philippin, il a finalement mis fin aux négociations le 30 juillet 2016.
Des liens tissés de longue date
Ancien maire de Davao, fief du Parti communiste philippin (CPP), Rodrigo Duterte a eu l'occasion de tisser des liens privilégiés avec le leader de la guérilla, Jose Maria Sison. La relation entre deux hommes que tout oppose, a commencé dans les années 1960 quand Rodrigo Duterte... était l’étudiant du professeur Jose Maria Sison à l’université de Manille.
Aujourd'hui, les deux personnalités ne cachent pas leur admiration l’une pour l’autre : «(Duterte) a beaucoup de belles choses à dire sur moi, et j’ai également pas mal de belles choses à dire sur lui», affirmait le leader du PCP en février 2016. Lors de l’élection présidentielle, l'ancien enseignant a également indiqué que son ex-étudiant serait «le meilleur président philippin depuis Marcos», dictateur philippin renversé en 1986.
La bonne entente entre les deux leaders s’est concrétisée en juin 2016 à Oslo en Norvège. Des représentants de la rébellion communiste avaient alors rencontré le gouvernement pour entamer officiellement des négociations de paix. Rodrigo Duterte renouvelait ainsi la démarche de son prédécesseur, Benino Aquino. En 2010, celui-ci avait commencé pourparlers, interrompus trois ans plus tard. Aquino avait alors dénoncé le «manque de sincérité» du CPP. La guérilla exigeait que ses prisonniers soient relâchés, ce qui était inadmissible pour le gouvernement de l'époque.
Un cessez-le-feu unilatéral avait été prononcé le 25 juillet, à la rencontre d'Oslo. Mais une attaque de rebelles, deux jours après, tuant un membre d'une milice gouvernementale et en blessant quatre autres, a réduit les espoirs de paix. Le président Duterte a alors lancé un ultimatum aux communistes. Ultimatum resté sans réponse. Le 30 juillet, celui-ci a prononcé la fin du cessez-le-feu.
30 000 personnes tuées depuis 1969.
Le CPP, scission du Partido Komunista ng Pilipinas (PKP) fondé dans les années 1930, est né le 26 décembre 1968, jour du 75e anniversaire de Mao Zedong. Durant le règne de Ferdinand Marcos, la guérilla entendait s’opposer à la «néo-colonisation» menée par les Etats-Unis avec la bienveillance du gouvernement de Marcos, selon elle.
Le CPP sera ensuite interdit par le dictateur après l'instauration de la loi martiale en 1972. A la chute de Marcos, son successeur, Corazon Aquino, décide de libérer le leader Jose Maria Sison et d’entamer des négociations avec les rebelles. Après avoir entamé une tournée à l'étranger pour dénoncer le non-respect des droits de l’homme par le gouvernement philippin, l'opposant doit s'exiler aux Pays-Bas.
Ralentissement de la guérilla maoïste
Ces dernières années, la Nouvelle Armée du Peuple (NAP), le bras armé du CPP, fondé en 1969 pour conduire «une guerre populaire de longue durée», a beaucoup perdu de terrain. C'est d'ailleurs ce que semble montrer l’arrestation de son chef Adelberto Silva. Il avait été nommé à la tête de la rébellion après l'arrestation des précédents leaders, Benito Tiamzon et son épouse Wilma, en 2014.
A son apogée, dans les années 1980, le NAP disposait de 26.000 hommes. Ils ne seraient plus que 4 000 aujourd'hui, Mais la guérilla bénéficie du soutien des populations les plus pauvres dans les zones rurales. Les rebelles tuent régulièrement des membres des forces de sécurité tout en pratiquant le racket auprès des entreprises locales. Le conflit entre l'Etat et la guérilla communiste aurait fait plus de 30 000 morts depuis 1969.
Malgré le récent regain de tensions, les deux parties ont répété qu'elles étaient prêtes à reprendre des pourparlers de paix comme prévu, à partir du 20 août 2016. Duterte a confié que conclure un tel accord de paix serait pour lui «un rêve».
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