Pourquoi le Vietnam est en colère contre "l'impérialisme" chinois
Pékin revendique l'exploitation en mer de Chine, riche en pétrole, quitte à se servir dans des eaux revendiquées par des pays jusqu'ici alliés.
Le numéro 46 de la rue Hoang Dieu, à Hanoï, n'a jamais connu pareille hostilité. Des milliers de Vietnamiens se sont donné rendez-vous à cette adresse, celle de l'ambassade de Chine au Vietnam, dimanche 11 mai, pour protester contre l'attitude "impérialiste" du régime chinois, jusqu'ici pourtant grand allié du pays. Au nom d'une ambition maritime, que Slate a décrite début mai, Pékin revendique en effet la quasitotalité de la mer de Chine méridionale, riche en hydrocarbures, et rejette les prétentions territoriales, notamment celles du Vietnam.
Des manifestations similaires ont également eu lieu à Danang et à Hô-Chi-Minh-Ville, comme le décrit Le Figaro. Cet accès de colère s'est poursuivi lundi et mardi : des entreprises ont été mises à sac par des ouvriers dans les zones industrielles à capitaux étrangers. Photos à l'appui, le journal en ligne Infonet du ministère de l'Information affirme que les manifestants s'en sont pris à plusieurs usines, notamment un site taïwanais dont les fenêtres ont été brisées et des portes endommagées.
Des manifestations antichinoises autorisées, une première
Le plus surprenant dans ces débordements est le fait que les autorités vietnamiennes ne se sont pas vraiment opposées à cette hostilité contre le "pays frère". Ces rassemblements antichinois n'ont ainsi pas été réprimés, alors que toute manifestation est interdite au Vietnam, pour éviter une contestation organisée du régime, d'après Courrier international.
Le régime communiste craint bel et bien que ces rassemblements donnent lieu à des manifestations plus larges contre lui-même, et s'inquiète des conséquences potentielles d'attaques contre les usines à capitaux étrangers, élément clé de l'économie vietnamienne.
Mais si les autorités vietnamiennes laissent leur population crier "Chine dégage" ou "Nous sommes furieux contre la Chine", c'est parce qu'un conflit majeur enfle entre les deux voisins communistes. Au centre de leur bagarre diplomatique, les archipels des Paracels et des Spratleys, dont les fonds sont supposés riches en pétrole, et qui constituent d'importantes voies maritimes internationales.
Batailles navales
Les tensions bilatérales ont fortement augmenté depuis l'annonce, début mai, par Pékin du déploiement d'une plateforme de forage pétrolier en eaux profondes dans les eaux contestées. Le Vietnam a dénoncé une décision "illégale", et exigé que la plateforme soit retirée. Le ministère des Affaires étrangères vietnamien accuse également des navires chinois d'avoir intentionnellement éperonné deux bateaux de patrouille vietnamiens envoyés dans la région.
Les Chinois "ont utilisé des canons à eau pour attaquer les navires" vietnamiens, affirme le commandant adjoint de la police maritime vietnamienne, assurant qu'un avion chinois avait également survolé ces patrouilles en guise de menace. Dans la foulée, la Chine a rejeté sur le Vietnam l'entière responsabilité de ces collisions navales, appelant à un "dialogue pacifique".
Deux superpuissances à l'assaut du Pacifique
L'expansion maritime chinoise, qui impacte également les Philippines, Taïwan, la Malaisie ou encore le sultanat de Brunei, a occupé la majeure partie du dernier sommet de l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est (Asean), réunie lundi en Birmanie. Cette dernière s'est dite "préoccupée" par le conflit, sans condamner directement la Chine.
Le poids économique de Pékin dans la région empêche les pays menacés par ses ambitions maritimes de s'en prendre directement au géant chinois. La porte-parole du ministre des Affaires étrangères chinois a ainsi appelé Hanoï à "calmement regarder la réalité en face", déclarant que les efforts du Vietnam pour "nouer des liens avec d'autres partenaires" étaient vains.
Ces "partenaires" désignent le Japon et surtout les Etats-Unis, qui ont condamné les opérations de forage dans les eaux revendiquées par le Vietnam. John Kerry, le secrétaire d'Etat américain, a ainsi pointé du doigt la "provocation" chinoise. Pékin a alors accusé Washington de vouloir déstabiliser la région pour appliquer la stratégie du "pivot vers l'Asie" voulue par Barack Obama, et décrite par Le Figaro. La Chine réplique qu'elle n'est pas la seule superpuissance à avoir le regard tourné vers le Pacifique.
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