Thaïlande : le lèse-majesté ternit l'image de la monarchie
La famille royale en Thaïlande est un sujet tabou. Agé de 85 ans, le roi Bhuminol jouit auprès de certains de ses sujets d'un statut de demi-dieu et l'outrage à son image peut aller jusqu'à 15 ans de prison, en vertu de l'article 112 du code criminel thaïlandais.
Peines de prison
La justice a multiplié ces dernières années les lourdes peines et les arrestations pour des propos jugés insultants envers la monarchie du pays. Arrêté en avril 2011, le journaliste Somyot Prueaksakasemsuk a été condamné, le 23 janvier 2013, à onze ans de prison. Il a été reconnu coupable de «lèse-majesté» pour avoir publié en 2010 deux articles, dont il n'était même pas l'auteur, jugés diffamatoires vis-à-vis du roi et de la monarchie.
De nombreux intellectuels et militants pro-démocratie jugent que nombre de ces dossiers sont politiques. Le débat s'est d'ailleurs tendu entre ceux qui veulent maintenir la loi en l'état et ceux qui dénoncent un outil liberticide. «La loi sur le lèse-majesté doit être immédiatement suspendue ou révisée», a ainsi plaidé Amnesty international, réclamant la libération de Somyot «et de tous les autres prisonniers de conscience».
«Chemises rouges»
Un grand nombre d'accusés, comme Somyot, ont des liens avec le mouvement «rouge», proche de l'ex-Premier ministre Thaksin Shinawatra. En exil depuis un coup d'Etat militaire contre lui en 2006, Thaksin est considéré par les élites de Bangkok comme un danger pour l'institution royale.
Le royaume est profondément divisé entre les masses rurales et urbaines défavorisées du nord et du nord-est, fidèles à Thaksin, et les élites de Bangkok gravitant autour du palais royal qui haïssent le milliardaire en exil.
La Thaïlande vit depuis huit années au rythme d'immenses manifestations, dont plusieurs sont parvenues à faire chuter des gouvernements pro-Thaksin. En 2010, les «Chemises rouges», fidèles à l'ancien Premier ministre, avaient occupé Bangkok pendant deux mois pour réclamer la chute du gouvernement de l'époque, jusqu'à un assaut de l'armée. La pire crise qu'ait connue la Thaïlande moderne avait fait quelque 90 morts et 2.000 blessés.
Mort d'un retraité en prison
La mort en prison, le 8 mai 2012, de Ampon Tangnoppakul, 62 ans, condamné à vingt ans de réclusion, avait relancé la polémique sur l'une des lois les plus répressives du monde. Le sexagénaire était accusé d'avoir envoyé, en mai 2010, quatre SMS jugés insultants envers la monarchie, alors que Chemises rouges et militaires s’affrontaient dans les rues de Bangkok. Atteint d'un cancer, «Oncle SMS», comme l'ont surnommé les médias, avait renoncé à faire appel et tablait sur une grâce royale. L'affaire, qui a fait le tour des réseaux sociaux, est devenue un symbole de la lutte pour la liberté d'expression.
Par la suite, le camp Thaksin a tenté de présenter une loi d'amnistie, avant de la reporter pour éviter une nouvelle crise politique. L'Armée du Peuple, qui rassemble divers groupes ultra-royalistes, a récemment appelé à manifester contre ce texte, qui doit être examiné par le Parlement le 7 août 2013 et, plus généralement, contre le clan de Thaksin Shinawatra, dont la soeur dirige le gouvernement depuis 2011.
Malversations financières
Le projet de loi, présenté par le parti au pouvoir, le Parti Pheu Thai (PTP) ou Parti pour les Thaï, prévoit d'amnistier les militants politiques impliqués dans les mouvements qui ont secoué le royaume depuis le coup d'Etat contre Thaksin en septembre 2006, jusqu'en mai 2012. Mais ses opposants redoutent qu'il ne permette le retour de leur ennemi juré, en exil pour échapper à deux ans de prison suite à des malversations financières.
La monarchie absolue est officiellement abolie depuis 1932. Depuis, le pays a connu deux rois. Le souverain actuel, Bhuminol, qui bat le record de longévité à la tête du pays, avait été appelé à régner en juin 1946 à l'âge de 18 ans. Il a succédé à son frère aîné tué dans des circonstances jamais élucidées dix ans après son intronisation, en 1935.
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