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Au Pakistan, une surenchère meurtrière entre islamistes

L'attaque terroriste qui a fait 141 morts dans une école de Peshawar est la plus meurtrière qu'ait connu le Pakistan. Elle est le fruit du climat d'insurrection permanent qui règne dans le nord-ouest du pays.
Article rédigé par Camille Garnier
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
  (Les 141 victimes de l'attaque terroriste étaient dans leur immense majorité des enfants © Maxppp)

A l'origine de cette attaque qui a fait 141 morts dans une école du Pakistan, il y a le Tehrik-e-Taliban Pakistan (TTP), une sorte de conglomérat regroupant une trentaine de groupes rebelles islamistes. Engagé dans une lutte à mort contre l'armée pakistanaise, le groupe est responsable de la mort de plus de 7.000 personnes dans le pays depuis 2007. 

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Le TTP est pachtoune, une ethnie minoritaire au Pakistan mais majoritaire en Afghanistan. Il est né en 2007 en réaction à la collaboration de l'Etat pakistanais avec les Etats-Unis dans la "guerre contre la terreur" qui a suivi le 11-Septembre. Le bastion du TTP se trouve dans les zones montagneuses tribales du Pakistan, au nord-ouest du pays (Waziristan). Là opèrent d'autres groupes liés à Al Qaïda et combattant en Afghanistan. 

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Au Nord-Ouest, rien de nouveau

Avec cette attaque le groupe a montré qu'il était toujours capable de frapper au coeur des institutions en dépit des offensives militaires qui l'ont affaibli ces derniers mois. "Il ne se passe rien de nouveau malheureusement. Le mouvement est infiniment radicalisé depuis plusieurs années. Ces talibans considèrent que le gouvernement pakistanais est à la solde des Américains qui financent l'armée. Ce qu'ils veulent c'est détruire les institutions ", explique Georges Lefeuvre, spécialiste du Pakistan. 

"Ce territoire est disputé depuis l'époque de l'Empire britannique", Georges Lefeuvre, anthropologue

Pour cet anthropologue, l'attaque meurtrière de ce mardi est indissociable de la situation afghane "Dans cette zone pachtoune, le climat insurrectionnel est permanent. La frontière qui la sépare de l'Afghanistan est assez artificielle. Depuis l'époque de l'empire britannique, le territoire est disputé." Une situation dont ont su profiter les talibans, "les éléments exogènes d'Al-Qaïda ont profité de la réaction à l'invasion soviétique dans les années 80 pour s'installer dans la zone. Ben-Laden avait fondé sa base à cheval entre le Waziristan pakistanais et la zone afghane de Rost."

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Un mouvement en perte de vitesse

A Peshawar, le TTP a voulu frapper un grand coup. Un porte-parole taliban a expliqué que l'école avait été choisie parce que des enfants de haut-gradés la fréquentaient, ajoutant : "L'armée bombarde nos femmes et nos enfants, nous voulons qu'eux aussi ressentent la douleur de perdre des proches ". Car si l'armée pakistanaises n'a jamais hésité à négocier avec les talibans pour servir ses intêrets, voire même à conclure avec certains d'entre eux des pactes de non-agression mutuelle, le TTP n'est pas concerné par cette stratégie. Ces derniers mois, l'armée pakistanaise a décimé les rangs du mouvement, abattant plus d'un millier de ses membres. 

L'attaque de l'école de Peshawar s'inscrit donc dans une logique de réponse aux bombardements de l'armée mais pas uniquement. Car le TTP souffre de dissensions en interne. Alors qu'une partie de ses membres entend mettre toute ses forces dans la lutte contre l'armée pakistanaise, d'autres préfereraient l'épargner pour concentrer leurs actions sur le sol afghan.

"C'est le plus extrémiste qui l'emporte", Karim  Paksad chercheur à l'IRIS

Dans ce contexte, l'attaque de Peshawar peut être un moyen pour une faction du TTP d'imposer ses vues au reste du mouvement. Comme l'explique Karim Paksad, chercheur à l'IRIS (Institut des Relations Internationales et Stratégiques) : "Au sein de ces mouvements islamistes, c'est le plus extrémiste qui obtient l'adhésion des autres" . En clair, l'attaque de mardi est une manière pour ses auteurs de "marquer leur territoire ". Elle est aussi et surtout, un coup de publicité redoutablement efficace pour un groupe en perte de vitesse. 

"Le TTP n'est plus celui d'il y a deux ans", Karim Paksad, chercheur à l'IRIS et spécialiste du Pakistan
 

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