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Cancer de la prostate : l'utilité du dépistage systématique contestée

Selon la Haute Autorité de santé, les tests sanguins n'auraient pas d'intérêt y compris pour les hommes avec des facteurs de risques et pourraient avoir des conséquences sur la santé des patients. 

Article rédigé par franceinfo
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Un homme passe un examen, le 7 décembre 2010, dans une clinique du Mans (Sarthe) spécialisée dans le traitement des cancers de la prostate et du poumon.  (DENIS LAMBERT / MAXPPP)

Les résultats risquent de faire du bruit chez les urologues et les hommes de 50 ans et plus : le dépistage systématique du cancer de la prostate par test sanguin ne présenterait pas d'intérêt chez les hommes dits à risque. Telles sont les conclusions d'une étude de la Haute Autorité de santé (HAS) publiée mercredi 4 avril.

Ce document va dans le sens de premiers travaux réalisés en juin 2010 par la HAS. Celle-ci était alors parvenue à la même conclusion : le dépistage systématique ne présente pas non plus d'intérêt pour la population générale. Quelles questions cette nouvelle étude soulève-t-elle ? FTVi liste les tenants et les aboutissants de ces résultats. 

• Que dit la Haute Autorité de santé dans son rapport ? 

L'autorité publique indépendante assure qu'il est impossible de mesurer scientifiquement le niveau de risque. Et ce, même si certains facteurs aggravants sont connus. Ainsi, les hommes dont le père ou le frère ont eux-mêmes eu un cancer, ceux d'origine africaine ou encore les personnes exposées à certains agents chimiques sont considérés comme des patients "à risque". 

Mais d'un point de vue scientifique, impossible de démontrer que ces hommes présentent des formes de cancers plus graves que les autres, et que le dépistage s'avère plus efficace dans leur traitement. 

De plus, la HAS assure que la santé du patient pourrait pâtir de ce test systématique. Pour rappel, ce dernier repose sur deux examens : le dosage, par une prise de sang, de l'antigène spécifique prostatique (PSA), la protéine sécrétée par la prostate, et le toucher rectal. Le dépistage individuel a pris l'ampleur d'un dépistage de masse : il concerne plus de deux hommes sur trois, selon l'Association française d'urologie (AFU).

• Quels sont les risques du dépistage ? 

Première réserve : un test positif n'est pas forcément synonyme de cancer. Or, après chaque dépistage positif, les hommes subissent une biopsie destinée à poser le diagnostic. Une méthode qui a des "conséquences graves" sur la santé des patients, du type troubles urinaires, infections... selon le spécialiste santé de France 2, Jean-Daniel Flaysakier.

Le dépistage du cancer de la prostate est-il utile ? (FRANCE 2)

A cela s'ajoutent aussi des risques de surtraitement et la possibilité de "conséquences physiques et psychologiques" liées aux médicaments comme des "troubles sexuels, urinaires [et] digestifs".

Sur Europe 1, François Desgrandschamps, urologue à l'hôpital Saint-Louis à Paris, évoque lui des effets secondaires non négligeables de ce dépistage par prise de sang. Selon le médecin, 30% des hommes diagnostiqués risquent de devenir incontinents et 80% impuissants. Et pour la Haute Autorité, les hommes "sont exposés aux mêmes inconvénients et risques" du dépistage, qu'ils soient considérés à risque ou non.

Qu'en pensent les professionnels ? 

Les conclusions de la HAS font débat chez les professionnels. Plusieurs études concluent en effet à l'inverse et les recommandations divergent selon les structures. Ainsi, depuis 2005, l'AFU incite les hommes à se soumettre au test de dépistage, rappelle Le Monde sur son site internet.  

Pour l'urologue Xavier Rebillard, membre de l'AFU, les différences sont avant tout affaire de méthode. "La HAS fait de la santé publique, nous raisonnons face à un seul patient à la fois", explique-t-il au Figaro.frC'est aussi l'avis du professeur Clément-Claude Abbou, chef du service d'urologie à l'hôpital Henri-Mondor (Paris). "Statistiquement, la HAS a raison", concède-t-il, ajoutant ne pas vouloir revenir à la période où le test n'existait pas et où les services étaient remplis "de patients alités avec des métastases et des douleurs incroyables".

Si la question du dépistage n'est pas tranchée, la HAS insiste tout de même "sur l'importance de l'information" donnée aux hommes qui envisagent le test. L'objectif étant que chacun ait le choix de se faire dépister ou non, "en connaissance de cause".

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