Chine : haro sur les constructions d'usines chimiques
A Kunming, la capitale de la province chinoise du Yunnan (sud), deux manifestations d’opposants à la construction d'un complexe pétrochimique se sont déroulées les 4 et 16 mai 2013.
«Au diable la raffinerie, virez le PX de Kunming», pouvait-on lire sur des bannières dans le cortège du premier rassemblement. Envrion 2000 manifestants s'étaient réunis dans cette ville de 4 millions d’habitants, selon certaines estimations.
Le projet de production de paraxylène (PX), produit dérivé du pétrole qui sert à la fabrication de tissus polyesters et d’emballages plastique, réputé dangereux en cas d'incident, inquiète la population locale.
China National Petroleum Corp (CNPC), la principale compagnie de gaz et de pétrole du pays, avait annoncé en février que la Commission nationale du développement et de la réforme (CNDR), l'organe de planification économique chinois, avait approuvé le projet de construction d’une raffinerie à Anning, ville située à une trentaine de kilomètres de Kunming, où plus de dix millions de tonnes de pétrole brut doivent être raffinés chaque année.
«Annuler le projet»
Li Wenrong, le maire de Kunming, cité par l'agence de presse officielle, Chine nouvelle, a déclaré que les autorités écouteraient l'opinion publique et annuleraient le projet si «la plupart de nos concitoyens s'y opposent».
Ailleurs, des chantiers similaires ont déjà été repoussés suite à des manifestations. Ce fut le cas en novembre 2012 pour un projet pétrochimique à Ningbo (est). En 2011, un autre projet de fabrication de PX dans la ville de Dalian (nord-est) avait été suspendu sous la pression de la rue ainsi qu'en 2007, à Xiamen (sud).
Concernant le futur complexe d'Anning, les responsables de la CNPC ont assuré aux populations que rien n’affecterait l’environnement et que la sécurité serait leur priorité. Mais de nombreux citadins chinois, sensibles à la question environnementale, redoutent qu’une fois la raffinerie en marche, aucun contrôle ne soit plus assuré, comme c’est souvent le cas dans d’autres provinces.
Contrairement à ce que le gouvernement tentait de faire croire, la raffinerie de Qinzhou dans la province du Guangxi, «ne profite aux habitants ni en termes d’emploi, ni pour le prix de l’essence», a constaté l'internaute Bian Min, connu pour s'intéresser aux questions environnementales, rapporte Le Monde.
Manque de transparence
Le manque de transparence de la part de la classe politique exacerbe les tensions. Dans la capitale du Sichuan, Chengdu (14 millions d’habitants), une manifestation contre l'ouverture d'une usine chimique sur une zone sismique, a été interdite par la police et les autorités locales. En réaction, les manifestants en colère ont condamné sur les réseaux sociaux les effets toxiques de ce projet, à Pengzhou. Conséquence pour les internautes: les mots «Pengzhou» et «Place centrale» (de Chengdu) ont été bloqués.
«Cette usine est la même que celle que voulait construire la compagnie à Xiamen dans la province du Fujian en 2007, explique une jeune militante écoloqique de la région. Mais la population de Xiamen avait aussi protesté dans la rue et l’usine n’a pas été construite. Nous voulons la même chose ici car nous ne voulons pas de maladies et de cancers dans notre région où les tremblements de terre sont si fréquents.»
Les manifestations sur les questions écologiques ont augmenté de 30% par an depuis 1996, selon le China Daily. Dans un rapport publié début avril, Greenpeace pointait notamment l'aggravation de la situation environnementale de l'empire du Milieu sur la dernière décennie.
Engrais phosphatés
Depuis 2001 la Chine a plus que doublé ses capacités de fabrication d'engrais phosphatés, pour devenir leader avec 40% de la production mondiale. Le pays souffre même aujourd'hui de surcapacités, selon Greenpeace.
Des prélèvements effectués dans la province du Sichuan, à proximité de cours d'eau ou de zones habitées, ont révélé la présence d'arsenic, de cadmium, de chrome, de mercure et autres métaux lourds très nocifs. «Une bombe à retardement», selon l'ONG.
«Il est vital que le gouvernement s'attaque au problème et apporte un soutien aux victimes de l'égoïsme de grandes sociétés. Nous ne pouvons plus continuer à faire comme s'il n'y avait pas 300 millions de tonnes de, phosphogypse qui polluent notre sol, notre eau et notre air», a assuré Lang Xiyu, un rédacteur de cette enquête intitulée «Vivre en danger».
La pollution a fortement augmenté en Chine avec la très rapide industrialisation du pays durant les trois dernières décennies. Un grand nombre de métropoles chinoises comptent parmi les plus polluées de la planète mais les nuisances ne se limitent pas aux villes.
«Villages du cancer»
En février, le ministère chinois de l'Environnement a reconnu l'existence de «villages du cancer», des bourgs où le niveau de pollution est tel que la proportion de personnes atteintes de cancer franchit des niveaux alarmants. Il n'existe pas de définition précise des «villages du cancer» mais l'expression s'est répandue dans les médias, notamment après la publication en 2009 par un journaliste chinois d'une carte répertoriant plusieurs dizaines de ces villages.
Le gouvernement reconnaît que «des produits chimiques toxiques et nocifs», en général interdits dans les pays développés, sont utilisés en Chine et «mettent potentiellement en danger la santé humaine et l'environnement sur le long terme».
Parmi les composants dangereux, le nonylphénol, un composé organique synthétique interdit dans l'industrie textile européenne, est beaucoup utilisé dans ce secteur en Chine où il entre aussi dans la production de détergents, rapporte notamment le quotidien Global Times, proche du pouvoir.
Pollution côtière en hausse
La superficie des eaux côtières «gravement polluées» en Chine est en hausse de 54%, indique l'Administration d'Etat des océans dans un rapport dont les grandes lignes ont été publiées par le gouvernement.
Elle est passée de 24.000 km² en 2012, à 68.000 km² dans les régions côtières fortement industrialisées, comme le delta du Yangtsé, autour de Shanghai, ainsi qu'au Nord dans le golfe de Bohai et au Sud dans le delta de la rivière de Perles (triangle Hong-Kong, Macao, Canton).
En janvier 2013, une forte pollution atmosphérique a enveloppé le nord et l'est de la Chine dont Pékin, suscitant la colère des citadins. Les hôpitaux ont alors connu un afflux de patients victimes d'insuffisances respiratoires, notamment les enfants.
L’impact des particules fines sur la santé est aujourd’hui attesté : l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) estime que la pollution de l’air est responsable de deux millions de morts prématurées par an dans le monde.
La pollution atmosphérique dans la région de Pékin a été principalement causée par la combustion du charbon servant à faire tourner les industries et les centrales thermiques, ainsi que la circulation automobile en constante progression dans le pays. Les images de nuages grisâtres ont fait le tour du monde et chose plus rare, la Une des médias chinois.
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