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Chine: quelle place le terrorisme islamiste occupe-t-il?

Selon le think tank américain New America Foundation, 114 Ouïgours (population turcophone et musulmane installée au Xinjiang) ont rejoint les rangs d'EI. L'Etat chinois reconnaît lui-même que plus de 300 de ses ressortissants combattent en Irak et en Syrie. Si ces chiffres sont impossibles à vérifier, le terrorisme islamiste existe bel et bien en Chine.
Article rédigé par zhifan Liu
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Un homme présenté comme un "terroriste" fuit à l'approche de militaire chinois à Kashgar, au nord-ouest du Xinjiang. Le 6 mai 2011, agence Chine Nouvelle.  (SIPA)

«Le Xinjiang est une zone sous contrôle», confie à Géopolis Rémi Castets, sinologue à l’Université Bordeaux III et spécialiste du Xinjiang. La province riche en hydrocarbure, est stratégique pour la Chine: «Comme d'autres régions autonomes, le Xinjiang est important pour Pékin. Jamais un dirigeant chinois ne se permettra de perdre 1cm² de territoire chinois».
 

Le Xinjiang est la province la plus à l'ouest du pays. Malgré quatre fuseaux horaires de différence, l'heure est la même que celle de Pékin.  (Wikimedia Commons)

Pourtant les Ouïgours, musulmans et turcophones, ont historiquement toujours été contestataires. Notamment face à la politique «de colonisation démographique», pour reprendre la formule de Rémi Castets, menée par Pékin. En 1949, 7% de la population du Xinjiang était des Hans, l’ethnie majoritaire en Chine. Désormais ils sont plus de 40%, affirme le chercheur. Si l'Etat et les grandes entreprises chinoises «ont beaucoup investi» dans le Xinjiang, les «Ouïgours se plaignent d'être délaissés par rapport aux Hans».

Discrimination et sinisation du Xinjiang par Pékin 
Ces politiques, ainsi que celles menées actuellement, comme l'obligation de vendre de l’alcool dans les magasins tenus par des Ouïgours, a développé un sentiment indépendantiste et anti-chinois : «Les Ouïgours se sentent comme des citoyens de seconde zone face aux Hans», selon le chercheur. La langue chinoise est également devenue «obligatoire dans les écoles de la province». Et il est nécessaire de «pratiquer le mandarin pour obtenir des postes clés dans l’administration».

Ces discriminations et la sinisation de la province ont renforcé le nationalisme ouïgour. Un nationalisme qui peut conduire à la lutte armé. Comme en 2013 et en 2014, lors des attaques place Tiananmen et à Kunming (à plus de 3000 km du Xinjiang). Elles ont fait plusieurs dizaines de victimes, plongeant la Chine dans l’effroi.


Si elles ont été rapidement attribuées au PIT (Parti islamique du Turkestan) par les autorités de Pékin, le chercheur affirme que l’organisation «a une capacité de projection très limitée en raison de contrôle très étroit de l'Etat chinois sur la société ouïgoure». Le PIT est apparu à la veille des JO de Pékin en 2008, est issu de l’alliance de plusieurs mouvances islamiques, dont le Mouvement islamique du Turkestan oriental.

Dans les années 1980, le terrorisme était peu présent dans le Xinjiang. Il y avait tout juste des «rixes» entre communautés, d'après Rémi Casters. Mais l'arrivée du conservateur Jiang Zemin (1993-2003) à la tête de la Chine, a réduit les «espaces de discussions» et la répression envers les locaux s’est accrue. Ce qui a entraîné une recrudescence de la contestation ouïgoure.

2009 : les émeutes entre Hans et Ouïgours, témoins du fossé entre les deux ethnies
La contestation ouïgoure s'est radicalisée en 2009. Des émeutes éclatent à Urumqi, la capitale de la province, entre Hans et Ouïgoures. Elles mettent en lumière le fort ressentiment de la population turcophone envers les Hans, considérée comme des «privilégiés du pouvoir central». Les affrontements ont fait 156 morts et plus de 800 blessés.

 
La répression qui s'ensuit entraîne le «départ d’une poignée de militants» vers des pays comme l’Afghanistan ou le Pakistan. Ils vont alors se «rapprocher des talibans et d’Al Qaïda». L’après-11 septembre permet à la Chine de se replier derrière «la lutte internationale conte le terrorisme» pour organiser sa répression de l’opposition ouïgoure. 
 
Au départ, «le PIT voulait instaurer un califat au Turkestan oriental, et veut désormais s’étendre à toute l’Asie centrale», explique Rémi Castets. Au contraire de l’Etat islamique qui revendique une domination mondiale, le djihadisme ouïgoure est plus un mouvement local, opposé à la politique menée par Pékin. La Chine «n’est pas une cible prioritaire de l’EI», contrairement à l’Europe, estime le chercheur.

L'islamisme, petite frange du nationalisme ouïgour
Si l’EI a déjà menacé Pékin, «c’est surtout pour recruter des combattants ouïgours», affirme Rémi Castets. Aucune attaque sur le territoire chinois n’a encore été revendiquée par l’Etat islamique. En Chine, l’organisation terroriste «se pose comme le protecteur de tous les musulmans», et donc des Ouïgoures.
 
Surtout, «les modes opératoires, l’absence de revendication et le profil des assaillants trahissent des actions plus ou moins préparées par des groupes de jeunes radicalisés par leur ressentiment vis-à-vis de l’Etat chinois», affirme Rémi Castets. Il s'agit donc de jeunes Ouïgoures qui se battent face au pouvoir central, la police et les Hans, que de véritables jihadistes.

Les groupes armés ne représentent pas la majeure partie de l'opposition dans le territoire : «Les cercles nationalistes prônent désormais la non-violence, et privilégient l'exil dans la diaspora ouïgoure pour capter le soutien occidental», explique Rémi Castets. Mais le PIT reste du pain béni pour le gouvernement: «La Chine tend à brouiller les cartes en liant systématiquement les troubles qui secouent le Xinjiang au TIP». Et Pékin de se reposer sur le prétexte terroriste pour mener la politique qu’elle entend au Xinjiang. 

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