Explosions de Tianjin : "La liste des risques chimiques risque de s'allonger"
Francetv info a interrogé le chimiste Philippe Garrigues au sujet du risque de pollution chimique près du site des explosions à Tianjin, où des centaines de tonnes de cyanure toxique étaient stockées.
Des centaines de tonnes de cyanure étaient stockées sur le site des violentes explosions survenues mercredi à Tianjin, dans l'est de la Chine, a admis l'armée chinoise, dimanche 16 août. Si les autorités n'ont pas précisé de quel type de cyanure il s'agit, les médias nationaux ont auparavant évoqué la présence de 700 tonnes de cyanure de sodium, un composant utilisé dans l'industrie pharmaceutique ou encore pour traiter les métaux.
Quels risques ce produit chimique représente-t-il ? Francetv info a posé la question à Philippe Garrigues, directeur de l'Institut des sciences moléculaires de l'université de Bordeaux (Gironde).
Francetv info : Quels sont, pour l'homme, les risques liés au cyanure de sodium ?
Philippe Garrigues : Le cyanure de sodium est le cyanure que l'on trouve dans tous les polars. Il est très toxique par contact avec la peau. S'il est ingéré, il se transforme en acide cyanhydrique au contact des acides gastriques, et empêche l'hémoglobine du sang de transporter l'oxygène.
L'un des risques les plus graves est l'inhalation. En présence d'eau ou d'acide, le cyanure de sodium se transforme en gaz, le cyanure d'hydogène, qui est quasiment mortel une fois inhalé. Il provoque immédiatement une perte de conscience, puis un coma et un collapsus cardiaque.
Ce produit était utilisé par les nazis comme base du gaz asphyxiant des chambres à gaz, car il peut tuer en quinze minutes dans un espace confiné. Certains pompiers de Tianjin sont peut-être morts de cette façon, car ils ignoraient qu'il ne fallait pas utiliser d'eau pour tenter d'éteindre l'incendie.
Les autorités chinoises affirment qu'il n'y a pas de pollution atmosphérique : ce scénario est-il réaliste ?
Oui, car le cyanure d'hydrogène est un gaz extrêmement volatile. Il se disperse rapidement à l'air libre, et le risque sanitaire est donc amoindri. Tout dépend toutefois des conditions météorologiques et du sens des vents.
Des niveaux très élevés de cyanure ont en revanche été relevés dans les eaux usées de Tianjin, parfois jusqu'à 27 fois le seuil autorisé. Quel risque cela représente-t-il pour les habitants ?
Il y a des doses limites d'exposition au cyanure à ne pas dépasser. En cas d'intoxication bénigne, des procédures et des traitements peuvent être mis en place. En revanche, si l'intoxication est aiguë, cela peut aller jusqu'à la mort.
Il faut donc adopter des mesures pour limiter les risques de contamination : ne plus boire d'eau courante, mettre en place des bouées comme cela a été fait dans le port, pour éviter que la pollution ne s'étende... Mais lorsque la contamination touche le milieu atmosphérique ou l'eau, il n'y a pas grand chose à faire.
Est-il normal que des centaines de tonnes de cyanure aient été stockées à moins d'un kilomètre de zones d'habitation ?
Je ne connais pas les normes de sécurité en vigueur en Chine. La compagnie Ruihai Logistics est une des rares entreprises autorisées à transporter des produits de haute toxicité et à les centraliser en Chine. Cela peut expliquer que le cyanure ait été stocké en si grande quantité. Mais en France, ce type d'activités ne pourrait pas exister près d'agglomérations, grâce aux sites Seveso et aux règles de protection de l'environnement.
L'ONG Greenpeace réclame des tests exhaustifs de l'eau et de l'air à Tianjin : appelez-vous aussi à des analyses approfondies ?
Bien sûr, d'autant qu'il est possible que d'autres produits chimiques soient présents sur ce site. Les autorités chinoises ont par exemple évoqué les nitrates d'ammonium, la même substance à l'origine de l'explosion de l'usine AZF à Toulouse (Haute-Garonne). La liste des risques chimiques risque de s'allonger dans les prochains jours, mais 200 experts en toxicologie ont été dépêchés à Tianjin et ils ont les compétences scientifiques et techniques pour mener à bien ces analyses.
En France, nous avons déjà des dispositifs régionaux de surveillance de la qualité de l'air et de l'eau. En cas de pollution, nous serions donc au courant rapidement, car les normes européennes et françaises sont très strictes. Il est par exemple impossible d'imaginer que des pompiers français ne soient pas mis au courant des mesures de sécurité à respecter si un accident similaire se produisait ici.
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