Persécutions dans le Xinjiang en Chine : "Les produits de l'esclavage des Ouïghours sont dans nos armoires", rappelle Raphaël Glucksmann
Des crimes contre l'humanité pourraient avoir été commis dans la région chinoise du Xinjiang, selon les Nations unies.
"Les produits de l'esclavage des Ouïghours sont dans nos armoires", a rappelé ce jeudi 1er septembre sur franceinfo Raphaël Glucksmann, député européen pour Place Publique, alors que l'ONU a finalement publié son rapport très attendu sur les violations des droits de l'homme dans la région chinoise du Xinjiang. Des crimes contre l'humanité pourraient avoir été commis dans la région, selon les Nations unies.
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L'essayiste appelle notamment au bannissement des "produits de l'esclavage des marchés européens", notamment les chaussures et les chemises des firmes Nike et Zara. Il soutient "l'idée qu'une entreprise désormais doit être responsable de l'ensemble du processus de fabrication de ses produits et que si un crime contre l'humanité teinte de sang vos chemises ou vos chaussures, vous devez en être tenu responsable", a-t-il affirmé.
franceinfo : Ce rapport de l'ONU est-il une étape importante ?
Raphaël Glucksmann : Enfin ! Le silence assourdissant des Nations unies sur la déportation du peuple ouïghour a pris fin. Je rappelle que c'est le plus grand internement de masse du XXIe siècle. C'est un moment important. Il n'y a pas de révélations. On savait ce qu'il y avait dans ce rapport. Mais le fait que l'ONU, pour la première fois depuis le début de ce crime contre l'humanité, s'exprime et nomme les choses, nomme le crime, c'est un moment extrêmement important qui place chaque gouvernement devant ses propres responsabilités.
Le rapport de l'ONU est-il fidèle à la réalité du terrain ?
On avait tous peur. Les pressions de la Chine étant immense et la tradition du courage des Nations unies étant fort limité, on avait tous peur qu'il y ait une édulcoration des faits, un refus de qualification du crime. C'est très important ce moment-là.
"C'est n'est plus une ONG et un gouvernement occidental, mais l'Organisation des Nations unies désormais qui met le gouvernement chinois face à ses crimes et qui nomme le crime."
Raphaël Glucksmann, député européenà franceinfo
Bien sûr, il y a eu des tensions au sein des Nations unies. Le rapport a été publié au dernier moment. La publication a été pendant très longtemps repoussée, repoussée, repoussée. Mais enfin, l'ONU est sortie de son silence et exhorte les gouvernements à agir. Qu'est-ce qu'on fait pour mettre fin à ce crime contre l'humanité ? Poussons pour qu'il y ait des mesures qui soient prises, des sanctions, mais pas simplement. Dans le rapport de l'ONU, il y a la mise en esclavage d'un peuple dans son entièreté au profit de multinationales qui font des marges délirantes grâce au système concentrationnaire chinois. Et donc, il y a des actions à prendre désormais.
Quels genres d'actions précisément ?
Je suis très pragmatique dans les manières d'agir pour mettre fin à cet internement de masse, à cette déportation, à l'anéantissement d'un peuple. Je ne pense pas que l'ONU, avec la Chine et la Russie au Conseil de sécurité, va prendre des mesures extrêmement fortes. En revanche, l'Union européenne peut agir. Il ne s'agit pas de déclencher la guerre à la Chine. Il s'agit de prendre des mesures commerciales qui fassent pression sur le gouvernement chinois pour qu'il ferme ses camps de la honte. C'est exactement ce qu'on est en train de débattre au Parlement européen.
Les produits de l'esclavage des Ouïghours sont dans vos armoires, dans vos magasins, nos magasins, nos armoires. Vos chaussures Nike sont produites par les esclaves ouïghours et vos chemises Zara. Il y a des multinationales européennes qui bénéficient de cette mise en esclavage. On peut bannir les produits de l'esclavage des marchés européens. Ce n'est pas de l'idéologie de faire ça. Ce sont des mesures de bon sens qui peuvent être prises.
Faut-il sanctionner les entreprises qui ferment les yeux ?
L'idée est d'abord de faire passer une loi qui installe un système, un retour des douanes, qui saisissent les biens produits de l'esclavage des Ouighours. C'est possible. C'est matériellement faisable. Les douaniers sont tout à fait prêts à le faire. Il suffit qu'il y ait l'ordre politique de le faire. On sait quels sont les fournisseurs des grandes marques européennes qui emploient ou exploitent des esclaves ouïghours.
*Ensuite, il y a le devoir de vigilance des entreprises. L'idée qu'une entreprise désormais doit être responsable de l'ensemble du processus de fabrication de ses produits et que si un crime contre l'humanité teinte de sang vos chemises ou vos chaussures, vous devez en être tenu responsable.
Enfin, il y a des sanctions à prendre. Les architectes de la déportation du peuple ouïghour sont connus. Les entités chinoises qui participent à la répression sont connues. Et elles sont aussi présentes sur nos marchés. On a une entreprise comme Huawei, qui investit en France, qui désormais a des usines dans l'est de la France, qui recrute les ingénieurs et les scientifiques français qui recrutent même d’anciens ministres français et qui participe à la répression à travers ses logiciels de reconnaissance faciale. Il y a des entités à sanctionner. C'est comme cela qu'on montrera au gouvernement chinois que nous sommes sérieux, que nous appuyons les grands mots employés sur des actes, des faits.
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