Qui était Liu Xiaobo, dissident chinois et Nobel de la paix, mort après huit ans de détention ?
L'activiste et prix Nobel de la paix Liu Xiaobo est mort à l'âge de 61 ans d'un cancer, après plus de huit ans de détention dans les geôles chinoises.
On lui avait diagnostiqué un cancer du foie en phase terminale, en mai. Liu Xiaobo, prix Nobel de la paix en 2010 et dissident chinois, est mort, jeudi 13 juillet, à l'âge de 61 ans. Condamné, en 2009, à onze ans de détention pour "subversion", il avait été placé en liberté conditionnelle, le 26 juin. De nombreux pays avaient fait appel à la Chine pour le laisser être soigné à l'étranger, et la France avait proposé de l'accueillir. Il est finalement mort sans avoir pu retrouver la liberté. Retour sur le destin de cet activiste pacifiste captif du régime chinois.
Une figure de proue du mouvement pro-démocratique
Liu Xiaobo faisait partie de la première génération à retourner étudier à l'université après la révolution culturelle de Mao Zedong. Après des études de littérature chinoise, il est devenu un auteur et un intellectuel de renom. Peu politisé au début de sa carrière, il est marqué par les manifestations pro-démocratie de Tian'anmen de 1989, qui sont pour lui un tournant. Alors qu'il enseigne à New York, il décide de rentrer en Chine pour y participer. "Il s'est dit à ce moment-là : 'C'est là que je devrais être, c'est là-bas que je pourrais apporter ma contribution'", rapporte l'un de ses amis, Perry Link, expert de la littérature chinoise, dans le Guardian.
Liu Xiaobo endosse alors un rôle central dans les manifestations. Il mène une grève de la faim, avant de tenter une médiation pour obtenir une évacuation pacifique à l'approche de l'armée, dans la nuit du 3 au 4 juin. La répression militaire, sanglante, coûtera la vie à des centaines, voire des milliers, de manifestants.
Cette participation aux manifestations "antirévolutionnaires" lui vaut un premier emprisonnement d'un an et demi, sans qu'il n'ait jamais été condamné. Après avoir été envoyé dans un camp de travail entre 1996 et 1999, Liu Xiaobo continue de défier le régime. Il contourne la censure en diffusant à Hong-Kong des textes dans lesquels il dénonce les élites et artistes "vendus" au régime. Mais son crime ultime vient de la Charte 08, publiée en 2008, et à la rédaction de laquelle Liu Xiaobo participe. Inspiré de la Charte 77, publiée en 1977 par des dissidents tchécoslovaques, le manifeste appelle au respect de la liberté d'expression et à l'instauration d'élections en Chine.
Un prix Nobel de la paix qu'il n'a jamais vu
En 2010, Liu Xiaobo, alors en détention, se voit attribuer le prix Nobel de la paix pour "son long combat non-violent pour les droits humains fondamentaux en Chine". Lors de la cérémonie, le 10 décembre 2010 à Oslo, son absence est symbolisée par une chaise vide. Depuis sa cellule, Liu Xiaobo dédie sa récompense aux "âmes perdues du 4 juin", en référence aux morts de Tian'anmen.
Le prix avait provoqué l'ire de Pékin, qui avait censuré toutes les images du fauteuil vide sur l'internet chinois. Au lendemain de l'attribution du Nobel, la Chine avait placé sa compagne Liu Xia, poétesse et militante, en résidence surveillée et avait gelé ses relations de haut niveau avec la Norvège.
Mais ce Nobel a assuré une reconnaissance internationale à l'engagement de Liu Xiaobo. "Liu Xiaobo était un représentant d'idées qui résonnent auprès de millions de personnes à travers le monde, même en Chine. Ces idées ne peuvent être emprisonnées et ne mourront jamais", a honoré la présidente du comité Nobel, Berit Reiss-Andersen, à l'annonce de sa mort.
Un malade captif du régime chinois
Le jour de Noël 2009, Liu Xiabo est condamné à 11 ans de prison pour "subversion". Au cours de sa détention, l'Union européenne et les Etats-Unis ont multiplié les appels pour la libération du dissident chinois.
Le 23 mai 2017, un cancer du foie en phase terminale lui est diagnostiqué. Il est finalement placé en liberté conditionnelle le 26 juin, afin d'être soigné à l'hôpital de Shenyang, dans le nord-est de la Chine. Depuis, les Occidentaux demandaient à Pékin d'autoriser Liu Xiaobo à être soigné à l'étranger. Le régime ne l'a pas autorisé à quitter le pays, même s'il a envoyé à son chevet des cancérologues étrangers réputés.
Liu Xiaobo est donc le premier prix Nobel de la paix à mourir privé de sa liberté depuis le pacifiste allemand Carl von Ossietzky, mort en 1938 dans un hôpital alors qu'il était détenu par les nazis. "D'une certaine façon, malheureusement, cette fin renforce cette comparaison – parce qu'effectivement, ils l'ont laissé mourrir à leur charge", analyse Eva Pils, experte en droit chinois et droits de l'homme, dans le Guardian (en anglais).
Pour la présidente du comité Nobel, "le gouvernement chinois porte une lourde responsabilité pour sa mort prématurée". Dans son discours d'acceptation du prix Nobel, Liu Xiaobo déclarait : "J'espère que je serai la dernière victime des inquisitions littéraires de la Chine, et qu'à partir de maintenant, personne ne sera incriminé à cause de son discours."
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