Corée du Nord : "Je ne pense tout de même pas que Pyongyang fera un faux pas en attaquant directement les États-Unis"
La spécialiste de la péninsule coréenne Juliette Morillot, rappelle que la "bataille d'égos" entre Donald Trump et Kim Jong-Un "monte plus haut qu'elle n'est jamais montée jusqu'ici".
Des bombardiers américains ont volé samedi 23 septembre près des côtes de la Corée du Nord, pour envoyer un "message clair", alors que les échanges entre Donald Trump et le pouvoir nord-coréen sont de plus en plus tendus, sur le programme nucléaire de Pyongyang.
Juliette Morillot, spécialiste de la péninsule coréenne a expliqué sur franceinfo dimanche que ces invectives directes entre dirigeants sont nouvelles et que "cette bataille d'égos monte plus haut qu'elle n'est jamais montée jusqu'ici". Co-auteur avec Dorian Malovic de La Corée du Nord en 100 questions (Tallandier, 2016), Juliette Morillot ne pense "tout de même pas que la Corée du Nord fera un faux pas en attaquant directement les États-Unis".
franceinfo : Le message est-il aussi clair que ce que dit le Pentagone ?
Juliette Morillot : Le message est clair, mais on a du mal à savoir exactement ce que veut Donald Trump. On est dans une rhétorique verbale qui va de plus en plus haut, on montre les muscles avec cette démonstration aérienne de force, puisque les bombardiers américains sont allés bien plus loin qu'ils ne vont habituellement. Mais là où la Corée du Nord a été véritablement piquée au vif, c'est que pour la première fois, Donald Trump, lors de son fameux discours aux Nations unies, durant lequel il a annoncé qu'il voulait détruire la Corée du Nord, s'est adressé directement à Kim Jong-Un en l'invectivant. La Corée du Nord elle-même a directement répliqué, le dirigeant a répondu en disant "je", ce qui est nouveau. Cette bataille d'égos monte plus haut qu'elle n'est jamais montée jusqu'ici.
Est-ce que les provocations de Donald Trump ne vont pas le conduire dans une logique de guerre ?
Depuis des années, les Nord-Coréens cherchent un dialogue avec Washington et un traité de paix sur la péninsule. Mais maintenant ils disent que c'est terminé, que cette époque-là est passée. Et comme on sait que l'époque d'une éventuelle dénucléarisation est aussi passée, tout cela est extrêmement compliqué. Je ne pense tout de même pas que la Corée du Nord fera un faux pas en attaquant directement les États-Unis. Mais il est à attendre soit un essai de tir balistique, à nouveau peut-être en direction de Guam, mais peut-être pas sauter le pas avec un essai nucléaire comme l'a annoncé la Corée du nord il y a deux jours (...) D'après le LA Times, il avait été conseillé à Donald Trump de ne pas s'adresser directement au leader nord-coréen en l'invectivant au risque de provoquer un dérapage. C'est pourtant ce qu'il a fait. Il est assez incontrôlable finalement.
Est-ce que la Russie et la Chine peuvent calmer le jeu ?
Pour l'instant, il faut préciser que la Russie et la Chine sont en train de procéder à des manœuvres militaires au large de la péninsule, de même que les Américains montrent leurs muscles. La Chine va commencer à prendre des mesures, mais elle appelle toujours au dialogue. Et le ministre chinois des Affaires étrangères disait il y a une semaine que 50% de la solution se trouvait dans les sanctions, et 50 % dans le dialogue. Et c'est ce à quoi appelle bien évidemment la Russie. Hors dialogue et hors négociations, et je ne peux pas imaginer qu'il n'y en ait pas en coulisses, il n'y a pas de solution. Soit on retombe dans un statu quo qui risque de s'éterniser à nouveau, soit on s'approche d'une possibilité de dérapage, qui peut être provoqué par un mouvement mal compris d'un côté ou de l'autre, et ce dérapage entraînerait une escalade cataclysmique.
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