"Il veut plonger le pays dans les ténèbres" : en Corée du Sud, le président appelé à quitter ses fonctions après avoir tenté d'imposer la loi martiale

Le président Yoon Suk-yeol a déclaré l'application de la loi martiale, mardi soir, avant que les députés ne votent son abrogation dans la nuit.
Article rédigé par franceinfo
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Des centaines de Coréens rassemblés devant l'Assemblée nationale, à Séoul, le 3 décembre. (CHRIS JUNG / NURPHOTO)

L'étrange scénario d'une journée où tout a failli basculer. La Corée du Sud a brusquement sombré dans le chaos politique après l'imposition surprise par le président Yoon Suk-yeol de la loi martiale, puis son abrogation après un vote des députés qui ont défié une intrusion dans le Parlement de soldats armés. 
Il s'agissait en réalité d'un coup de force contre son opposition, majoritaire au Parlement. 

Si toute la nuit, les citoyens se sont rassemblés devant l'Assemblée nationale pour protester face à l'armée, le calme est revenu dans les rues de Séoul à l'aube. Alors que l'Assemblée nationale était bloquée par l'armée, les députés d'opposition majoritaire sur les bancs de l'Assemblée ont réussi à s'introduire dans le bâtiment pour voter à l'unanimité l'abrogation de la loi martiale. Une décision suivie par l'armée qui s'est rapidement retirée. Sans le soutien des militaires ni de son propre parti, et face à l'insurrection populaire, le président Yoon Suk-yeol s'est résigné à lever la loi martiale dans la matinée.

"Il humilie la Corée du Sud"

Pour les Coréens, la situation reste confuse, personne ne comprend cette décision irréaliste du chef d'État. Mardi à 22h24, Yoon Suk-yeol apparaît en direct à la télévision. "Pour protéger la Corée du Sud libérale des menaces posées par les forces communistes nord-coréennes et éliminer les éléments hostiles à l'Etat (...) je déclare la loi martiale d'urgence", annonce-t-il à la surprise générale. "Notre Assemblée nationale est devenue un refuge de criminels, un repaire de dictature législative", affirme le président, qui depuis son élection en 2022 n'a jamais disposé de la majorité au Parlement. 

Immédiatement après cette allocution, le chef de l'opposition Lee Jae-myung se filme en direct en train de se rendre en voiture au Parlement, appelant les députés et le peuple à le rejoindre. Une séance d'urgence est alors convoquée. Alors que les députés cherchent à entrer dans l'Assemblée nationale, des hélicoptères déposent des soldats des forces spéciales dans l'enceinte parlementaire. D'autres escaladent les clôtures du bâtiment en cassant des carreaux...

Corée du Sud : le président a déclaré la loi martiale
Corée du Sud : le président a déclaré la loi martiale Corée du Sud : le président a déclaré la loi martiale (France 2)

Sur les réseaux sociaux, le mot en tendance de la soirée était tout simplement "taré" pour désigner le président. Devant les grilles de l'Assemblée nationale, mardi soir, monsieur Ryu était venu protester : "Il veut plonger le pays dans les ténèbres, il humilie la Corée du Sud avec son comportement d'ignare. Comme avec les précédentes dictatures, on ne le laissera pas la jeunesse de notre pays tomber sous ses coups."

La Confédération coréenne des syndicats, plus importante intersyndicale du pays avec ses quelque 1,2 million de membres, a appelé à une "grève générale illimitée" jusqu'à la démission de Yoon Suk-yeol. De nombreuses manifestations et rassemblements ont lieu, encore aujourd'hui, près du Parlement, la crise politique n'est pas près de s'arrêter.

Le président Yoon Suk Yeol a signé son arrêt de mort politique avec ce qui s'apparente pour beaucoup à une tentative de coup d'État raté. Une grande partie du cabinet présidentiel a déjà démissionné. L'opposition demande au chef d'État de quitter ses fonctions. Elle a annoncé mercredi matin qu'elle portera plainte pour "rébellion" contre le président Yoon Suk-yeol et des hauts responsables de la sécurité.

Une possible destitution du président Yoon Suk-yeol

L'opposition ayant la majorité à l'Assemblée nationale pourrait être rejointe par une grande partie du camp présidentiel qui condamne la déclaration de la loi martiale. Les prochaines semaines pourraient voir une motion d'impeachment proposée par les députés d'opposition, qui, si elle aboutissait, destituerait le président Yoon. Ce serait la troisième fois que les parlementaires coréens ont recours à cette procédure en 20 ans. Pour être adoptée, cette motion devra recueillir les deux tiers des voix. L'opposition, qui compte 192 députés sur 300, n'aura besoin que d'un petit nombre de défections dans le camp présidentiel pour obtenir gain de cause. 

À l'étranger, Tokyo surveille la situation politique à Séoul avec "une préoccupation exceptionnelle et sérieuse", a indiqué mercredi le Premier ministre, Shigeru Ishiba. Les Etats-Unis se sont dits "soulagés" que le président Yoon Suk-yeol ait levé la loi martiale qu'il avait décrétée quelques heures auparavant.

En attendant, le président Yoon n'est toujours pas réapparu en public. Dans la matinée, le chef de cabinet du président et plusieurs importants conseillers ont annoncé leur démission collective. 

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