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Des ex-soldats français veulent partir combattre Daech en Irak

Ils sont français et s'en vont combattre Daech. D'anciens soldats de l'armée française s'organisent pour partir bientôt en Irak. Ils sont réunis sous le pseudonyme de Task Force Lafayette, du nom de l'unité qu'ils servaient en Afghanistan entre 2009 et 2012.
Article rédigé par Mathilde Lemaire
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
  (Page Facebook du groupe Task Force Lafayette © Capture d'écran)

Ils sont une dizaine, des hommes et des femmes, qui ont servi dans différents corps de l’armée. La Légion, les Forces Spéciales, l’Armée de Terre, la Marine… Certains seraient encore dans l'armée, sur le point de démissionner. Ils ont entre 23 et 50 ans et vivent dans différentes villes de France. Tous insistent sur le fait qu'ils ne sont pas des mercenaires, pas des barbouzes, car ils ne seront pas rémunérés en Irak.

Ils préfèrent agir seuls sur le terrain, plutôt que d'attendre en France

Ils sont tous rassemblés, motivés par l’écœurement de voir des massacres du groupe l'Etat islamique là-bas, des attentats en France et pour seule réaction une intervention aérienne et "infructueuse" , disent-ils, de l'Occident. Des idées que l'on retrouve sur leur page Facebook.

Parmi eux, celui qui se fait appeler Ach. Un trentenaire athlétique au look ordinaire. Anonymat oblige, je ne préciserai ni quel corps de l'armée où il a servi, ni dans quelle région il vit. "Je ne comprends même pas qu’on soit aussi passif, explique Ach. Notre pays et même l’Europe ont l’air de vouloir fermer les yeux là-dessus […] et il y a que sur place que je peux me sentir utile et que je pourrai me dire ‘là enfin tu fais ton devoir’".

"Si la France ne veut pas m’envoyer alors je partirai tout seul" raconte Ach

Une colère face à l'absence de stratégie des pays occidentaux, Cass, la compagne d’Ach, la partage. Cette mécanicienne a choisi de partir avec lui. Ce sera d’ailleurs la seule du groupe à ne pas être une ancienne militaire. Une jeune femme de 25 ans, maquillée, très féminine. Jamais en la croisant dans la rue, vous ne diriez qu'elle va partir combattre Daech d'ici décembre et pourtant. Même si elle se concentrera sur la logistique : "Je ne pars pas à l’aventure comme une petite folle !"

"100% bénévole et 100% volontaire" explique Cass

Cass et Ach se préparent à partir au minimum six mois, sans doute plutôt un an.  Ils n'ont pas encore prévenu leurs familles. "Nos proches ne seront pas d'accord. Tant pis notre décision est prise" insistent-ils.

Des soldats français aux côtés de Peschmergas

Le groupe a déjà un représentant sur place en Irak, dans une zone qu'ils refusent de nous préciser. Un homme déjà en contact avec ceux aux côtés desquels ils vont combattre : les Peshmergas, l’armée de l'état autonome du Kurdistan. "Ce qu’on nous a demandé c’est de partager notre savoir qu’on a reçu de l’Armée française, raconte Ach. Techniques de tir, technique commando. […] Je veux aller au feu, c’est pour cela que j’y pars."

"Faut pas être allumé pour faire une vraie guerre, faut être convaincu, faut être entraîné, faut être pleinement conscient de ce qu’on va vivre" décrit Ach

Rester apolitique et areligieux

Il  y a déjà des combattants anglo-saxons partis depuis plusieurs mois combattre Daech, dans diverses milices chrétiennes internationales en Irak, en Syrie. Mais ce ne sont pas des modèles pour les Français qui tiennent même à se distinguer d'eux. La Task force  est "apolitique et areligieuse ". D'ailleurs ils avaient lancé un appel à candidatures il y a quelques semaines. Plus d'une centaine de personnes leur ont répondu. Le groupe a écarté tous ceux qui voulaient se battre au nom de leur foi catholique et aussi les islamophobes. "On n’est pas un groupe d’extrême droite, on n’est pas des croisés , répète Ach […] et les musulmans ça fait partie des groupes qu’on veut aider."

"Ce qu’on veut c’est combattre la barbarie" insiste Ach

Qui finance ce voyage ?

Les combattants français payent eux-mêmes leurs billets d'avion jusqu'à Erbil au Kurdistan irakien. Pour le reste, ils ont lancé il y a moins d'une semaine un appel de fonds via une page Facebook. Pour le moment quelques centaines d'euros récoltés sur les 20.000 jugés nécessaires pour les casques, les gilets tactiques, les rations… "Les armes, elles, seront données par les Peschmergas",  précise Ach, car elles ne peuvent être achetées en Europe.

Ce qui pourrait aussi a posteriori financer leur mission ce sont les caméras go-pro qu'emportent avec eux ces ex-soldats. Dans l'espoir de revendre ensuite les images à des sociétés de production.

Les autorités françaises restent silencieuses

Les membres de la Task Force Lafayette affirment qu'ils ont contacté les autorités pour savoir si leur action est bien légale. Il leur aurait été répondu qu'ils n'étaient pas hors la loi vu qu'ils ne rejoignent pas un groupe terroriste et ne seront pas payés. Certains membres du groupe laissent même entendre qu'ils pourraient sur place œuvrer pour les services de renseignement français. Le ministère de l'Intérieur ne nous confirme rien de tout ça.

Ce qui est sûr c'est que la Task Force Lafayette emportera dans ses bagages un drapeau français. En décembre, ce drapeau flottera quelque part entre Erbil et Mossoul.

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