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Égypte : "Une dérive très forte en matière de droits humains" qui "pourrait constituer un crime contre l'humanité"

Le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi est en visite en France mardi. L'Élysée doit évoquer les droits humains, mis à mal en Égypte selon Human Rights Watch. Sa directrice France a dénoncé sur franceinfo les "tribunaux militaires" et "la torture à grande échelle". 

Article rédigé par franceinfo
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Le président égyptien Abdel-Fattah el-Sissi à Paris, le 23 octobre 2017. (THIBAULT CAMUS / AFP)

La visite en France d'Abdel Fattah al-Sissi est un test diplomatique pour Emmanuel Macron, selon les organisations des droits humains qui jugent le bilan "catastrophique" du président égyptien. L'Élysée a annoncé que les libertés seront évoquées avec Abdel Fattah al-Sissi.

Pour Bénédicte Jeannerod, directrice France de Human Rights Watch, la situation des droits humains en Egypte connaît "sa pire crise depuis des décennies". Elle demande à Emmanuel Macron de condamner "de manière publique" les dérives du président Abdel Fattah al-Sissi et que "le soutien de la France, notamment militaire, soit conditionnée à des améliorations tangibles".

franceinfo : quelle est la situation des droits humains en Egypte ?

Bénédicte Jeannerod : Il faut savoir que la situation des droits humains en Egypte sous le président al-Sissi connaît sa pire crise depuis des décennies. (....) Il y a eu une dérive très forte en matière de droits humains (...) cela pourrait constituer un crime contre l'humanité.

Sous sa présidence, 60 000 personnes ont été arrêtées, 15 000 civils ont été renvoyés devant des tribunaux militaires, la pratique de la torture, comme nous l'avons documenté très récemment, se fait à grande échelle et de manière systématique.

Bénédicte Jeannerod, directrice France de Human Rights Watch

à franceinfo

Tous les pans de la société civile sont touchés. Il ne s'agit pas juste de l'opposition politique, il s'agit également des ONG dont l'activité est criminalisée, des personnes gays et lesbiennes qui sont arrêtées, traduites en justice et condamnées à des peines de prison.

Abdel Fattah al-Sissi déclare dans Le Figaro mardi 24 octobre que "les droits de l'Homme sont universels, leurs respects sont essentiels car il permet de mieux lutter contre le terrorisme". Est-ce un double langage ?

Nous avons un bel exemple de langue de bois. Si monsieur al-Sissi était aussi attaché aux droits humains, il ne leur tournerait pas le dos chaque jour dans son pays. On ne nie pas la question centrale du terrorisme, mais cela ne peut pas être un prétexte pour écraser les droits humains et la société civile.

La lutte anti-terroriste et la sécurité nationale sont un prétexte pour écraser la société civile.

Bénédicte Jeannerod, directrice France de Human Rights Watch

à franceinfo

La France dit que Le Caire doit être accompagné contre le risque terroriste...

Ce n'est pas forcément un bon calcul d'un point de vue pragmatique. Une politique antiterroriste qui est entachée d'abus à grande échelle n'est pas nécessairement la bonne solution. Elle peut être contre-productive. On voit les effets désastreux de la campagne anti-terroriste dans le Sinaï qui laisse des milliers de familles sans abri, non compensée, en colère contre les autorités, frustrées. Les jeunes n'ont pas d'autres recours pour faire entendre une contestation pacifique. Cela peut au contraire augmenter les frustrations et favoriser, un jour, le recours à la violence.

Évoquer les droits humains suffit-il pour l'Élysée ?

On demande que ça soit le cas de manière publique et on demande que cela ne se limite pas à ça non plus. Que le soutien de la France, notamment militaire, soit conditionné à des améliorations tangibles des droits de l'Homme en Egypte. Que les licences d'exportations d'armements soient suspendues, qu'il n'y ait pas d'autres contrats d'armements qui soient conclus pendant ces trois jours.

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