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#AlertePollution : à Nanterre, le RER A ventile ses particules fines sur les riverains

Article rédigé par Thomas Baïetto
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
La grille de ventilation de la rue Salvador-Allende, le 7 décembre 2018, à Nanterre (Hauts-de-Seine). (THOMAS BAIETTO / FRANCEINFO)

Des habitants s'inquiètent des rejets d'une grille de ventilation, située au pied de leur immeuble et à quelques mètres d'une crèche. Selon la RATP, il existe 442 grilles de ce type en Ile-de-France, mais la régie affirme qu'"il n'y a pas de risque particulier pour les riverains".

#AlertePollution

Rivières ou sols contaminés, déchets industriels abandonnés… Vous vivez à proximité d’un site pollué ?

Quand il a emménagé en 2010 dans sa grande résidence de Nanterre, Simon ne s'est pas méfié. L'immeuble se trouve dans une rue calme, en bordure d'un parc de 25 hectares. "On pensait qu'on respirerait un air meilleur qu'à Courbevoie où on était avant, explique-t-il. On ne s'était même pas rendu compte qu'il y avait cette bouche d'aération." La grille de ventilation de la gare RER de Nanterre-Préfecture, longue de 18 mètres et large de 4, se trouve pourtant à quelques mètres de son immeuble.

Mais, début novembre 2018, l'intervention d'ouvriers – des travaux pour améliorer l'insonorisation – a changé la donne. "Un voisin m'a raconté qu'ils étaient en combinaison totale, masqués, et ils sont ressortis tout noirs, raconte Simon. Ça a fait tilt chez moi." Il fait le lien avec la quantité de poussière grise qui, chaque jour, se dépose à l'intérieur de son appartement situé au 2e étage, côté rue. A genoux sur le sol de sa chambre, il nous montre l'étendue du problème. "Tous les jours, je passe un chiffon humide contre la plinthe et il me revient gris clair", résume-t-il, en nous tendant le morceau de tissu poussiéreux. Tous les jours, il doit passer l'aspirateur, "comme si on habitait au bord du périphérique".

Quand le soleil brille et qu'on secoue le canapé, on voit le nuage de particules.

Simon

à franceinfo

Après quelques discussions avec ses voisins, ce père d'un enfant de 6 ans décide de saisir le conseil syndical de son immeuble et de nous envoyer un signalement via notre opération #AlertePollution. "La sortie d'aération du RER A Nanterre-Préfecture rejette une quantité importante de poussière de pollution, juste devant une crèche et une résidence de 450 appartements", écrit-il dans le formulaire. Il n'est pas le seul à s'inquiéter. "C'est moins noir de notre côté, parce qu'une partie de notre appartement donne de l'autre côté, explique sa voisine Christelle. Mais, comme tous les gens qui vivent ici, on passe devant tous les jours et ma fille est allée à l'école juste à côté."

S'ils n'ont pas de problème de santé – hormis une allergie à la poussière chez Simon – pour le moment, tous deux redoutent l'impact à long terme sur leur santé et celle de leurs proches : selon AirParif, l'organisme chargé de mesurer la qualité de l'air en Ile-de-France, la pollution aux particules fines coûte en moyenne six mois d'espérance de vie aux habitants de la région parisienne.

Le seuil d'alerte largement dépassé

Les transports en commun souterrains en sont justement une source importante. Le freinage mécanique des rames produit des particules fines PM10 et l'air sur les quais de RER ou de métro est parfois plus pollué que sur le périphérique. Pour évacuer ces particules, la RATP compte justement sur les grilles de ventilation, comme celle de la rue Salvador-Allende. On y retrouve logiquement des taux de concentration importants. Vendredi 7 décembre, malgré le vent, franceinfo a pu mesurer, grâce à un capteur de pollution mobile et au ras des grilles, une concentration de 109 μg/m3 pour les PM10, bien au-delà du seuil d'alerte – 80 µg/m3 de moyenne journalière – fixé par la préfecture. Une mesure imparfaite mais qui donne une idée de la pollution à laquelle les riverains sont susceptibles d'être exposés.

La grille de ventilation du RER A se trouve juste à côté de l'immeuble de Simon et d'une crèche. (GOOGLE EARTH / FRANCEINFO)

AirParif n'a pas réalisé d'étude spécifique sur ces bouches d'aération. Une campagne effectuée à la station Faidherbe-Chaligny en juin 2009 évoquait cependant le sujet. Des mesures avaient été prises à deux endroits en extérieur : à la sortie du métro, un peu à l'écart du trafic, et au-dessus d'une grille de ventilation, plus proche de la route. C'est là que des concentrations en particules PM10 plus fortes avaient été relevées, "à cause de la présence de la grille de ventilation de l'air en provenance du réseau souterrain, chargé en particules".

Ce sujet, s'il est pointu, "n'est pas mineur", explique Charlotte Songeur, ingénieure au sein de l'organisme : "C'est une question qu'on nous pose de plus en plus souvent." "C'est vraiment à proximité directe que les gens sont touchés, la dispersion est assez rapide", précise-t-elle. Dans une étude menée en 2012 autour d'un axe routier, AirParif estimait la "zone d'impact" des particules fines à 100 mètres. Ce chiffre est une indication, mais n'est pas parfaitement transposable aux grilles d'aération, selon Airparif ; la source n'est pas la même et la typologie des lieux joue un rôle important dans la dispersion des particules. Au 8e étage de la résidence, un autre voisin, plus éloigné donc que Simon, confie d'ailleurs ne pas être concerné.

La RATP assure qu'il "n'y a pas de risque"

L'immeuble de Simon et Christelle n'est pas le seul bâtiment à proximité immédiate de la grille de ventilation : la halte-garderie du Parc se trouve à une dizaine de mètres. Séverine, la directrice de l'établissement, assure ne pas avoir de problème particulier de poussières dans ses locaux. Elle dit surtout n'avoir eu aucune information sur un risque de pollution potentielle. "Les gens ne savent rien, résume-t-elle. Moi j'ai découvert ça l'autre jour, quand un ouvrier est venu et ressorti [des bouches d'aération] noir de chez noir." Un manque de transparence regretté également par Christelle.

Je travaille sur un site industriel et on a des obligations d'information vis-à-vis du public. Là, la RATP ne nous a jamais rien dit.

Christelle

à franceinfo

Contactée par franceinfo, la régie francilienne assure qu'"il n'y a pas de risque particulier pour les riverains" des 442 grilles de son réseau et que les combinaisons des ouvriers décrites par les riverains servent simplement à "protéger leur tenue personnelle". Elle n'avait pas évoqué initialement d'études effectuées par ses soins.

Après une première publication de cet article, mardi 18 décembre, Sophie Mazoué, responsable environnement au sein de la RATP, a évoqué "différentes mesures" réalisées par la régie au-dessus de grilles de ventilation. Ces dernières "montrent qu'il y a une dispersion qui se fait très rapidement", affirme-t-elle à franceinfo. "A partir de 5 mètres, vous avez les teneurs relevées dans l'environnement extérieur", assure-t-elle. La RATP n'a pas souhaité nous communiquer ces études. 

Une certitude : la grille de la rue Salvador-Allende n'a pas fait partie des différentes mesures. "J'en ai parlé à des collègues, raconte Christelle. Ils m'ont dit que si on n'avait jamais cherché, c'est sûr qu'on ne risquait pas de trouver le problème."

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