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Barrage de Sivens : un rapport d'experts critique le projet

Besoins surestimés, étude d'impact "de qualité très moyenne", "financement fragile"... De nombreuses critiques sont formulées par deux ingénieurs généraux des ponts, eaux et des forêts dans un document qui a fuité dimanche.

Article rédigé par Benoît Zagdoun
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Des opposants au barrage de Sivens (Tarn) manifestent sur le site du chantier, le 25 octobre 2014. (  MAXPPP)

Voilà qui devrait apporter de l'eau au moulin des opposants au barrage de Sivens (Tarn). Un rapport d'experts, commandé par le ministère de l'Ecologie, émet des critiques sur le projet. Son contenu a fuité, dimanche 26 octobre, au lendemain de la mort d'un manifestant sur le site du chantier "dans le contexte d'affrontements" avec les gendarmes, affirment les opposants.

Le rapport (PDF), établi par deux ingénieurs généraux des ponts, eaux et des forêts, a été mis en ligne par la préfecture du Tarn sur son site internet. Francetv info livre les principales critiques émises dans ce document.

Des besoins surestimés

Les deux experts critiquent l'évaluation "contestable" des besoins "réels" d'irrigation. Ils estiment que seuls 40 exploitants agricoles bénéficieraient du barrage, alors que le Conseil général annonçait le double. Ils considèrent donc que le projet est surdimensionné.

Les experts évoquent "une surestimation du volume de substitution destiné à l'irrigation d'au moins 35 %". Un surdimensionnement qui s'explique par une estimation des besoins établie "sur des données anciennes et forfaitaires". Les opposants au barrage dénoncent ainsi des calculs de besoins hydrauliques faussés, comme le soulignait dès la fin août Libération.

Le futur barrage-réservoir d'1,5 million de mètres cubes d'eau stockée est soutenu par le conseil général du Tarn, qui le juge, lui, indispensable pour irriguer ses terres agricoles. La chambre d'agriculture le pense même indispensable pour sécuriser l'irrigation et développer des cultures à haute valeur ajoutée, telles que le maraîchage et la production de semences potagères.

Une étude d'impact "de qualité très moyenne"

Les experts pointent une étude d'impact de "qualité très moyenne". Un point essentiel pour les associations et citoyens opposés à ce projet, qui détruirait, selon eux la biodiversité.

Car l'ouvrage, de 230 m de large et 13 m de haut, doit couvrir 40 hectares de la commune de Lisle-sur-Tarn. Il engloutira surtout une partie de la zone humide du Testet : 13 hectares se voient menacés par le déboisement et la construction du lac artificiel. Or ce site, créé en 2001, constitue un réservoir de biodiversité. Plus de 90 espèces protégées (insectes, couleuvres, amphibiens, chauve-souris...) habitent cette zone humide qui s'apprête à être noyée. Pour faire taire les critiques, le conseil général du Tarn affirme qu'une autre zone humide sera créée.

"Un financement fragile"

Le rapport juge également le financement du projet "fragile". La construction du barrage devrait coûter 8,4 millions d’euros, financés à 50% par l’Agence de l’eau, à 30% par l’Union européenne et à 20% par les départements du Tarn et du Tarn-et-Garonne. 

Mais le rapport note surtout que "le choix d'un barrage en travers de la vallée a été privilégié sans réelle analyse des solutions alternatives possibles", note le rapport. Une situation d'autant "plus regrettable que le coût d'investissement rapporté au volume stocké est élevé"

Un chantier "difficile" à arrêter

Les ingénieurs concèdent toutefois qu'ils serait "difficile" de stopper les travaux engagés, "compte tenu de l'état d'avancement des travaux et des engagements locaux et régionaux pris avec la profession agricole"

"Le conseil général du Tarn est maître d'ouvrage du projet" et "endosse la responsabilité du choix opéré", écrivent les deux spécialistes. "Un arrêt pur et simple du chantier relève de la seule décision du conseil général" et "une intervention ministérielle directe ordonnant l'arrêt, et demandée par certains, n'aurait pas de base légale", soulignent-ils.

Ils proposent donc d'améliorer le projet sur plusieurs points. Outre plusieurs recommandations techniques, leur rapport préconise la mise en place d'un "comité de suivi multi-acteurs de la gestion des retenues [des barrages] de Sivens et de Thérondel afin que l'affectation des volumes et le projet territorial qui en découlera soient partagés par l'ensemble des acteurs locaux".

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