Cet article date de plus de deux ans.

Conférence de l'ONU sur les océans : une ONG se dit "agréablement surprise" par la prise de position d'Emmanuel Macron

Romain Troublé, directeur général de la Fondation Tara Océan, est revenu sur les annonces d'Emmanuel Macron lors de la Conférence des Nations unies sur les océans à Lisbonne (Portugal).

Article rédigé par franceinfo
Radio France
Publié
Temps de lecture : 5min
Emmanuel Macron s'exprime lors d'une table ronde avec des spécialistes des océans à l'océanarium de Lisbonne, le 30 juin 2022, dans le cadre de la conférence des Nations unies sur les océans. (LUDOVIC MARIN / AFP)

"Personne ne s'attendait vraiment à avoir une clarification de la position de la France", a réagi vendredi 1er juillet sur franceinfo Romain Troublé, directeur général de la Fondation Tara Océan et président de Ocean & Climate Platform, alors qu'Emmanuel Macron a déclaré jeudi qu'un cadre juridique était nécessaire pour empêcher l'exploitation minière en eaux profondes de continuer, et a appelé les pays à mettre leurs ressources financières et scientifiques pour mieux comprendre et protéger les fonds marins.

>> Conférence de l'ONU sur les océans : l'article à lire pour comprendre pourquoi les océans sont essentiels dans la lutte contre le changement climatique

Le directeur de l'ONG se dit "agréablement surpris" par la prise de position du chef de l'Etat. Il attend de voir la suite des négociations et appelle d'ores et déjà à "mieux traiter les ressources déjà extraites et de les réutiliser" avant d'aller exploiter les fonds marins.

franceinfo : Est-ce que cette déclaration d'Emmanuel Macron vous a surpris ?

Romain Troublé : Je pense que personne ne s'attendait vraiment à avoir une clarification de la position de la France sur ce sujet. Oui, plutôt agréablement surpris. Maintenant, il faut voir les faits. Et pas plus tard que dans quinze jours, on aura l'occasion en Jamaïque, là où se négocie cette exploitation des fonds marins en haute mer, de voir ce qui se passera.

Les écosystèmes profonds, on les connaît mal. Est-ce que c'est difficile de mobiliser sur cette question ?

On parle d'écosystèmes qui sont à plus de 350 kilomètres des côtes des pays, dans une zone qui appartient à tout le monde. Le fond marin est classé patrimoine mondial de l'humanité. Et beaucoup de pays veulent aujourd'hui exploiter les ressources minières. Mais on imagine bien que, quand on exploite avec des gros engins à 3 000 mètres de fond des minerais, on va beaucoup affecter les écosystèmes qui sont là. Et effectivement, ces écosystèmes, on n'y connaît rien. La vie est là, on ne pensait pas la trouver là. On l'a trouvée là il y a une vingtaine d'années. C'est une vie qui trouve de l'énergie, non pas dans le soleil, mais dans d'autres formes de subsistance, et qui recèle aussi énormément de connaissances et de découvertes potentielles pour le futur de l'humanité. Donc, en allant prendre les minerais qu'on peut déjà trouver beaucoup sur la Terre et qu'on peut déjà recycler mieux que ce qu'on faisait aujourd'hui, on va aussi scier une branche sur laquelle on est et se priver potentiellement de nouvelles découvertes.

Quel est le risque quand on creuse ?

Quand on creuse, on altère l'écosystème. Les grands fonds marins sont des écosystèmes assez lents. Quand on creuse le minerai, on affecte tous ces écosystèmes. Quand vous remuez la vase dans l'eau, vous avez un nuage de gaz. Et là, vous allez avoir des nuages à l'échelle immense dans tous ces écosystèmes. Cela va tout bouleverser. Donc, avant de le faire, il y a énormément besoin de clarifier les contraintes. Qui contrôle ce qui s'y passe, quelles sont les règles de protection de l'environnement qui, aujourd'hui, ne sont pas édictées ?

Que fait-on de ce minerai, et est-ce que l'on peut s'en passer ?

On parle de cobalt. On parle de toutes ces mines de nickel, de ces minerais qui servent beaucoup dans les applications de haute technologie, notamment de la transition énergétique, dans tous les moteurs à aimant qu'on voit partout. Ce sont des besoins qu'on a beaucoup. Il y a une grosse tension aujourd'hui sur ces ressources-là. Mais on en a déjà beaucoup sorti de la planète. On a aussi besoin de mieux les recycler, de mieux les récupérer, de mieux les valoriser. C'est un peu la position de beaucoup d'ONG aujourd'hui dans le monde. Avant d'aller s'intéresser à ça, il faut d'abord essayer de mieux traiter nos ressources déjà extraites et de les réutiliser.

Est-ce qu'il y a encore des autorisations d'exploration qui sont délivrées ? Est-ce que la France explore et exploite ces fonds marins aujourd'hui ?

Aujourd'hui, en haute mer, il y a 31 permis d'exploration qui ont été délivrés à une poignée de pays, dont la France. Aucune autorisation d'exploitation n'a été délivrée pour l'instant. Et une seule a été demandée récemment par Nauru, un petit Etat du Pacifique, qui créé le fait qu'il y ait beaucoup d'accélérations à ce sujet en ce moment à l'ONU.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.