Environnement : l'expédition scientifique Tara de retour, avec l'ambition de "trouver comment mieux protéger l'océan demain"
L'expédition scientifique Tara est "une aventure humaine" pour "convaincre de l'enjeu de protéger cette planète et ça parle aux gens", a affirmé dimanche 16 octobre Romain Troublé, directeur général de la Fondation Tara Océan.
La goélette a été accueillie triomphalement samedi 15 octobre à Lorient, après avoir parcouru pendant deux ans 70 000 km dans l'Atlantique sud, le Pacifique et l'Antarctique. Les scientifiques ont réalisé 25 000 échantillons pour mieux comprendre comme le réchauffement climatique et la pollution chimique transforment les écosystèmes marins. "Ces travaux vont nous aider à mieux protéger l'océan demain. Aujourd'hui, on en dépend", a expliqué Romain Troublé, directeur général de la Fondation Tara Océan. Ces bactéries, virus, microbes, micro-algues qui forment le microbiome "fournissent la moitié l'oxygène qui est produit chaque jour sur la planète", a-t-il rappelé.
franceinfo : Qu'est-ce que c'est exactement le microbiome ?
Romain Troublé : Cette soupe océanique est un peu le terreau de nos territoires, de nos terres. C'est tout un écosystème de microbes qui sont indispensables pour la vie dans les océans. Indispensables pour la fabrication des protéines dans les océans, pour nourrir les poissons : c'est ce qu'on appelle la chaîne alimentaire. Indispensables pour produire de l'oxygène chaque jour, et indispensables pour stocker beaucoup de carbone. On sait combien aujourd'hui, le stockage du carbone par tous les écosystèmes, y compris l'océan, est important pour notre changement climatique.
Que trouve-t-on exactement dans ce microbiome ?
On parle de "bons virus", pas comme le Covid-19, mais aussi des bactéries, des microalgues. Tout cet écosystème travaille ensemble pour délivrer tous ces services. C'est un peu ce qu'on a dans notre intestin qui digère pour nous les aliments. Ce sont des microbes qui le font dans la mer. C'est pareil. Il y a tout un monde invisible qui fournit des services.
"Ces microbes nous aident à avoir l'atmosphère qu'on a, le monde qu'on a aujourd'hui. Ils fournissent la moitié de l'oxygène qui est produit chaque jour sur la planète."
Romain Troubléà franceinfo
Donc, c'est important de savoir comment ils se comportent et comment ils vont changer. Comment ce petit peuple de l'océan invisible va changer avec le changement climatique, avec les impacts de la pollution sur les océans.
Vous avez réalisé des milliers de prélèvements. Il va falloir combien de temps pour les analyser ?
On rentre avec dans les soutes de Tara près de 25 000 échantillons et beaucoup de mesures. Les scientifiques du CNRS, du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), de tous les laboratoires impliqués dans ces projets vont maintenant s'atteler à faire parler ces informations. Dans 18 mois à deux ans, on va commencer à avoir de premiers résultats, les premières analyses. Il s'agit de comprendre ce qu'il y a dans l'océan. On ne connaît pas vraiment l'océan aussi bien qu'on connaît notre Terre. On a besoin de savoir aussi où sont les zones importantes de l'océan. Ces travaux vont nous aider à trouver comment mieux protéger l'océan demain. Et puis, c'est rappeler toujours l'urgence de la santé de l'océan, de le protéger. Aujourd'hui, on en dépend.
Arrivez-vous à prendre la mesure des dégâts que provoque le plastique dans les océans ?
Un des stress de cet écosystème, c'est la température, bien sûr, qui augmente, mais aussi le plastique chimique et les produits chimiques qu'on envoie malencontreusement, dans l'océan tous les jours. C'est un fléau qui se règle à terre.
"C'est un fléau qui se règle dans les lois, dans l'éducation, dans l'économie circulaire de nos entreprises, de notre industrie. Il faut le prendre comme un défi. Si on prend comme un défi ces choses-là, on arrivera davantage à se mobiliser pour y répondre."
Romain Troubléà franceinfo
Tara est en mer depuis 15 ans. Chaque échantillon prélevé dans le monde depuis quinze ans présente des morceaux de microplastique, des petits fragments de quelques millimètres. On en trouve partout. On en a trouvé encore dans le fleuve Amazone et dans le fleuve Gambie.
Vous avez été touché par l'accueil de Tara samedi à Lorient ?
Je voudrais rendre un hommage aux Lorientais et aux Bretons qui nous ont accueillis en mer avec 80 bateaux, à terre avec 4 000 personnes. C'était incroyable, très émouvant. Pour des gens qui ont passé les derniers mois à 14 sur un bateau, ça fait bizarre. C'est très, très chaleureux, très émouvant. C'est une aventure humaine. On se mobilise pour comprendre davantage ce qui se passe, pour convaincre aussi de l'enjeu de protéger cette planète, je crois que ça parle aux gens.
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